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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


et disparaissent ; la justice n’attend plus de récompense ni le péché de punition, puisque rien n’est accompli par le libre arbitre humain. Là où la nécessité et la destinée sont maîtresses, il n’y a plus aucune place pour le mérite, qui est l’objet propre de tout jugement. »

Saint Ambroise emprunte à Saint Basile la plupart des traits dont il accable[1] les Chaldéens, « les mathématiciens ». Assurément, tous les Pères de l’Église pensent ce que Saint Augustin exprime si clairement : Tout horoscope est une duperie ; s’il lui arrive de rencontrer juste, c’est par hasard[2], à moins qu’il n’ait été inspiré par quelque esprit malin ; menteurs ou interprètes du démon, les astrologues, que nul ne sait distinguer des astronomes, ne doivent inspirer que méfiance aux Chrétiens

« Le bon chrétien, dit Saint Augustin[3], doit donc se garder des mathématiciens et de tous ceux qui se livrent aux divinations impies, surtout lorsque leurs prédictions sont véritables, de peur que ces gens, d’accord avec les démons, ne trompent son esprit et n’enlacent sa personne dans les filets d’un pacte de société diabolique. »

Si grande, cependant, était la séduction de l’Astrologie que les évêques chrétiens eux-mêmes ne savaient pas toujours s’en garder entièrement.

Plusieurs pères de l’Église, nous le verrons, accordent à la Lune non seulement la direction des marées, mais encore la domination sur l’eau et les choses humides, partant les actions météorologiques et physiologiques que les astrologues lui attribuaient. De cela, il est vrai, leur foi ne pouvait prendre ombrage.

Mais Théodoret va plus loin. À propos des mots de la Genèse : « Que les astres servent de signes, il commence[4] par condamner la sottise des généthliaques ; mais, tout aussitôt, il ajoute :

« L’Écriture les appelle des signes, car ils nous font connaître le temps propice aux semailles ou aux plantations, le moment opportun pour prendre médecine, pour couper les bois destinés à la construction des navires et des maisons. Les marins savent voir, par ces signes, quand il convient de mettre à flot leur bar-

  1. S. Ambrosii Hexamaeron lib. IV, cap. IV [S. Ambrosii Opera accurante J. P. Migne, t I, pars I (Patrologiœ Latinœ t. XIV), Coll. 192-197].
  2. Saint Augustin Confessions, liv. IV, ch. III.
  3. S Augustini De Genesi ad litteram liber secundus, cap. XVII, 37 [S. Aurelii Augustini Opera omnia accurante Migne, tomus tertius, pars prior (Patrologiœ Latinœ tomus XXXIV) col. 279).
  4. Theodoreti In loca difficilia Scripturœ sacrœ quœstiones selectœ. In Genesin interrogatio XV [Theodoreti Opera omnia, accurante J. P. Migne, t. I (Patrologiœ grœcœ t. LXXX), Coll. 95-96].