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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

ici[1] citer Apulée et l’opinion selon laquelle « il arrive de temps en temps des déluges et des embrasements qui désolent et dépeuplent une partie de la terre » ; là[2], mentionner « ceux qui ne croient pas le Monde éternel, soit parce qu’ils admettent plusieurs mondes successifs, soit parce qu’ils tiennent pour l’existence d’un seul Monde qui renaît une infinité de fois selon certaines révolutions des siècles ». Enfin, après ces préambules, Augustin aborde[3] l’examen de cette question : « De la révolution des siècles à la fin bien déterminée desquels toutes choses doivent sans cesse revenir au même ordre et à la même apparence, selon l’opinion de certains philosophes. »

« Certains philosophes de ce monde, dit-il, n’ont pas cru qu’ils pussent ou dussent résoudre cette controverse, sinon en considérant un certain cycle de temps au bout duquel toutes choses, dans la nature, ont toujours été renouvelées et répétées ; ils ont assuré que, dans l’avenir, la reproduction des siècles écoulés par les siècles futurs se poursuivrait sans jamais prendre fin ; soit que ces cycles s’accomplissent en un monde permanent ; soit que, dans le monde naissant, les événements qui viennent et qui apparaissent comme nouveaux reproduisent exactement les événements du monde mort, ces deux mondes étant séparés par un certain intervalle de temps, ils ne peuvent aucunement affranchir de ce jeu dérisoire l’âme immortelle [de l’homme], alors même qu’elle a perçu la sagesse ; sans cesse, elle marche vers une fausse béatitude pour rétrograder sans cesse vers une misère véritable… »

Saint Augustin cite alors ces paroles de Salomon dans L’Ecclésiaste : « Quid est quod fuit ? Ipsum quod erit. Et quid est quod factum est ? Ipsum quod fiet. Et non est omne recens sub Sole. Quis loquatur et dicat : Ecce hoc novum est ? Jam fuit in sæculis quæ fuerant ante nos ».

« À Dieu ne plaise, poursuit-il, que nous les entendions de ces cycles imaginaires par lesquels ils veulent que se répètent toutes les révolutions des temps et des choses temporelles ! Par exemple, comme en tel siècle, un philosophe nommé Platon a instruit certains disciples dans une école d’Athènes appelée Académie, si l’on remontait en arrière le cours de siècles innombrables, on trouverait qu’en des temps séparés les uns des autres par des intervalles fort longs, mais de durée bien déterminée [et toujours la même], le même Platon, la même cité, la même école etl les

  1. S. Aurelii Augustini De Civitate Dei lib. XII, cap. X.
  2. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. XII, cap. XI.
  3. S. Aurelii Augustini Op. laud., lib. XII, cap. XIII.