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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

les mêmes disciples se sont trouvés répétés ; et, dans l’avenir, ils se reproduiront encore au cours de siècles innombrables. » C’est bien, en effet, de cette manière qu’un Plutarque présentait la théorie de la Grande Année platonicienne. « À Dieu ne plaise, dis-je, que nous partagions une telle croyance ! Une seule fois le Christ est mort pour nos péchés ; une seule fois il est ressuscité d’entre les morts et il ne mourra plus jamais ».

Nous venons de conter le premier conflit qui se soit élevé entre la Physique antique et l’enseignement des Docteurs catholiques ; cette première escarmouche nous marque d’avance les caractères de la longue guerre, entrecoupée de trêves boiteuses et mal assises, qui, jusqu’à la fin du xiiie siècle, mettra ces deux adversaires aux prises.

Toutes les Cosmologies helléniques sont, en dernière analyse, des Théologies ; au cœur de chacune d’elles, nous trouvons des dogmes religieux, soit que ces dogmes aient été admis à titre d’axiomes, de découvertes dues à l’intuition, comme le veulent le Platonisme et le Néo-platonisme, soit qu’une analyse, à laquelle l’expérience a servi de point de départ, les retrouve lorsqu’elle arrive à son terme, comme le fait l’analyse péripatéticienne. Ces dogmes, d’ailleurs, pris en ce qu’ils ont d’essentiel, ils sont les mêmes dans toutes les philosophies grecques, ils sont ceux qu’enseignaient les écoles pythagoriciennes de la Grande-Grèce : Les corps célestes sont divins, ce sont les seuls dieux véritables ; éternels et incorruptibles, ils ne connaissent d’autre changement que le mouvement parfait, le mouvement circulaire et uniforme ; par ce mouvement, ils règlent, suivant le plus rigoureux déterminisme, la marche de tous les changements dont le monde sublunaire est le théâtre.

Or la Science moderne naîtra, peut-on dire, le jour où l’on osera proclamer cette vérité : La même Mécanique, les mêmes lois, régissent les mouvements célestes et les mouvements sublunaires, la circulation du Soleil, le flux et le reflux de la mer, la chute des graves. Pour qu’il fut possible de concevoir une telle pensée, il fallait que les astres fussent déchus du rang divin où l’Antiquité les avait placés, il fallait qu’une révolution théologique se fût produite.

Cette révolution sera l’œuvre de la Théologie chrétienne.

La Science moderne a été allumée par une étincelle jaillie du choc entre la Théologie du Paganisme hellénique et la Théologie du Christianisme.