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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

En revanche, Saint Augustin croit[1] non seulement à l’existence des quatre éléments, mais à la théorie péripatéticienne selon laquelle les éléments se rangent en leurs lieux naturels ; la terre, qui est la plus lourde, occupe le centre du Monde ; les autres éléments se superposent par ordre de gravité décroissante. Placé au sein d’un élément plus léger, l’élément plus lourd tombe pour regagner son lieu naturel ; la terre tombe au sein de l’eau, l’eau au sein de l’air ; de l’air qu’on placerait au sein de la sphère du feu tomberait également.

Ce sont là enseignements d’une science certaine ; qu’on n’aille pas compromettre l’autorité des Saintes Écritures en opposant inconsidérément quelque passage mal compris de ces livres aux doctrines de ceux qui traitent du poids des éléments :

« À ce propos, je recommanderai qu’on se garde d’une erreur que j’ai déjà signalée, au premier livre, comme devant être évitée ; parce qu’il est écrit dans les Psaumes : Fundavit terram super aquam, qu’un des nôtres ne s’avise pas de s’appuyer sur ce texte de l’Écriture pour combattre ceux qui dissertent avec subtilité sur le poids des éléments ; ceux-ci, en effet, ne sont pas retenus par l’autorité de nos Saintes Lettres ; ils ignorent, d’ailleurs, en quel sens ces mots ont été dits ; ils aimeront mieux tourner les Livres Saints en dérision que d’abandonner des propositions qu’ils ont reçues en vertu de raisonnements certains ou qu’ils ont vérifiées à l’aide d’expériences très manifestes. Ce qui est dit dans les Psaumes petit fort bien être interprété comme une figure… C’est pourquoi nul ne doit interpréter ce texte : Fundavit terram super aquam, en le prenant au pied de la lettre, comme si la masse de l’eau se trouvait naturellement placée au-dessous de la masse terrestre afin de la soutenir. »


XIV
LA PHYSIQUE DES PÈRES DE L’ÉGLISE (suite). LES EAUX SUPRA-CÉLESTES

Il est, au premier chapitre de la Genèse, un passage qui semble tout particulièrement incompatible avec la Physique des philosophes ; ce passage, dont la discussion a joué un grand rôle au début de la Science chrétienne, est celui-ci :

Et dixit Deus : Fiat firmamentum in medio aquæ et sit discernent inter aquam et aquam.

  1. S. Aurelii Augustini Op. laud., Capp. I ad III, 1-6 ; éd. cit., coll. 263-265.