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LA COSMOLOGIE DES PÈRES DE L’ÉGLISE

nombre adhère à des fables dédaigneuses des enseignements de l’Esprit Saint. À plusieurs reprises, il est vrai, la Sainte Écriture nomme les cieux ; mais c’est parce que la langue hébraïque ne peut nommer ni le ciel ni l’eau au nombre singulier. »

Saint Augustin n’est jamais de ceux qui « se bouchent les oreilles ». Même lorsqu’un enseignement semble contredire à l’Écriture Sainte, il l’écoute avec attention, afin de découvrir si la contradiction est apparente ou réelle ; en toutes choses, il se garde de trancher avec précipitation et sans connaissance de cause.

L’assurance avec laquelle les Basile, les Grégoire de Nysse, les Ambroise, les Jean Chrysostome opposaient, aux enseignements de la Physique profane, les naïves assertions de leur science puérile contristait fort l’Évêque d’Hippone. Il voyait avec peine les docteurs de l’Église du Christ donner dans le ridicule qu’il avait si vivement reproché à Manichée[1]. Il les en reprenait avec une sagesse extrême.

« Quand je vois, disait-il[2], quelqu’un de mes frères en Jésus-Christ qui n’est pas instruit en ces connaissances ou qui s’y trompe, je le soutire sans aucune peine, sachant qu’il ne lui importe nullement de savoir la situation et l’état d’une créature corporelle, pourvu qu’il ne croie rien d’indigne de votre majesté infinie, ô mon Bien, créateur de toutes choses. Mais ce défaut de connaissance lui est dommageable s’il estime qu’elle fait partie de la doctrine essentielle de la piété, et s’il ose soutenir avec obstination ce qu’il ne sait pas. La charité, ainsi qu’une bonne mère, supporte cette foiblesse en celui qui n’est encore que dans l’enfance de la foi, jusqu’à ce que, devenant un nouvel homme et un homme parfait, il ne soit plus sujet à être agité par les vents des différentes doctrines. Mais qui n’aurait eu horreur et ne rejetterait comme détestable la folie de celui qui serait convaincu d’avoir enseigné des choses fausses après avoir voulu passer pour docteur, pour guide, pour chef et pour maître de ceux à qui il aurait osé entreprendre de persuader que ces choses étaient telles qu’il les disait, et de le faire avec tant d’audace, que de prétendre qu’en le suivant, ou ne suivait pas un homme, mais votre Esprit Saint ? — In illo autem qui doctor, qui auctor, qui dux et princeps eorum quibus illa suaderet, ita fieri ausus est, ut qui cum sequerentur, non quemlibet hominem, sed Spiritum tuum sanctum se sequi arbitrarentur ; quis tantam dementiam, sicubi falsa dixisse

  1. Voir ce Chapitre, § I, pp. 401-402.
  2. Saint Augustin, Confession, livre V, ch. V (Traduction d’Arnaud d’Andilly).