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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

convinceretur, non detestandam longeque abjiciendam esse judicaret ? »

En une autre circonstance, Saint Augustin écrit[1] :

« Dans un très grand nombre de cas, des hommes qui ne sont cependant pas chrétiens ont de la terre, du ciel, des autres éléments de ce monde, des mouvements, des révolutions, des distances et des grandeurs des astres, de la nature des animaux, des végétaux et des minéraux, enfin d’autres choses du même genre, une connaissance qu’ils tirent avec une grande certitude de la raison et de l’expérience. Il est une chose plus que honteuse, une chose pernicieuse et extrêmement redoutable ; c’est qu’un de ces infidèles puisse entendre un chrétien qui prétend parler de ces sujets d’après les Saintes Lettres, et qui énonce tant de folies qu’il se trompe, comme on dit, toto cælo, au point que l’infidèle a peine à se retenir de rire. Ce qui est le plus pénible, ce n’est pas qu’il soit prêté à rire à un homme qui est dans l’erreur ; c’est que ceux qui sont hors de l’Église puissent attribuer à nos auteurs de semblables avis ; c’est que nos auteurs puissent être critiqués et méprisés pour leur ignorance, au grand dommage de ceux dont le salut nous préoccupe. Lorsque ceux-ci, en effet, ont pris un chrétien en flagrant, délit d’erreur en ces matières qu’ils connaissent si bien, lorsqu’ils l’ont entendu donner sa vainc opinion comme tirée de nos Livres Saints, comment pourraient-ils se fier à ces mêmes Livres en ce qui touche la résurrection des morts, l’espoir de la vie éternelle et le royaume des cieux ? Ils sont convaincus d’avance que ces Livres sont remplis d’erreurs sur les questions qu’ils ont soumises à l’expérience ou qu’ils ont établies par des calculs non douteux. Ce que ces gens téméraires et présomptueux causent d’ennui et de tristesse à leurs frères plus prudents, on ne saurait assez le dire. Lorsque ceux que ne retient pas l’autorité de nos livres ont commencé de les reprendre de quelque opinion fausse et absurde, lorsqu’ils ont commencé de les convaincre d’erreur, ces gens veulent défendre ce qu’ils ont avancé avec la témérité la plus légère et la plus manifeste inexactitude ; ils citent alors, fût-ce de mémoire, des textes de ces mêmes Livres, qui leur permettent de prouver leur opinion ; ils pensent que ces textes leur fournissent un témoignage valable ; et les voilà prononçant une multitude de paroles, sans comprendre ni ce qu’ils disent ni ce dont on parle. »

  1. S. Augustini De Genesi ad litteram liber primus. Cap. XX, 39 [S. Aurelii Augustini Opera accurante Migne, tomi tertii pars prior (Patrologiœ latinœ tomus XXXIV), coll. 261].