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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

changements substantiels ? Bref, [qu’on ne lui pose pas toutes ces questions conçues] par ceux qui sont capables de s’enquérir curieusement de tout cela, puisque ceux-ci ne s’accordent aucunement, pour ainsi dire, ni entre eux ni avec la réalité.

» Ce n’est pas le but qu’a visé l’admirable Moïse. Le premier, sous l’inspiration de Dieu, il s’est proposé de conduire les hommes à la connaissance de Dieu et de leur enseigner le moyen de vivre en conformité avec cette connaissance. Aussi, ce qu’il a écrit, c’est tout ce qui contribue à cet objet ; il a écrit, par exemple, que ce grand et brillant ouvrage qu’est l’Univers ne possède pas l’existence d’une manière automatique, qu’il n’est pas d’une essence supérieure et divine ; mais qu’avant d’avoir été engendré par ce Principe invisible et Créateur de toute chose, avant d’avoir reçu la beauté qui se manifeste en lui, il n’était pas. »

Ce n’est donc pas un accord minutieux et poursuivi jusque dans le détail que Philopon recherchera entre le récit de la Genèse et la Physique. L’Auteur inspiré ne s’est pas proposé de prendre parti dans les querelles qui divisent les doctes. Plus d’une fois, cependant, nous l’entendrons enseigner quelque proposition que les doctes ont été heureux de réinventer après lui, voire même de lui emprunter.


Pour soutenir ses thèses, Philopon a parfois recours à ce que les Pères de l’Église ont écrit sur l’œuvre des six jours ; c’est, toutefois, aux seuls Pères grecs qu’il s’adressa ; il ne cite ni Saint Ambroise ni Saint Augustin. Parmi les Pères grecs, eux-mêmes, il en est beaucoup dont il n’invoque point l’autorité ou qu’il ne lit guère ; on ne relève, en son traité, ni le nom de Jean Chrysostome ni celui de Némésius, et Grégoire de Nysse n’est cité qu’une seule fois. Philopon paraît avoir lu plus volontiers Origène et Théodoret. Mais son auteur préféré est assurément Saint Basile, dont il a soigneusement étudié les Homélies sur l’œuvre des six jours et les controverses avec Théodore de Mopsueste.

D’ailleurs, ce que Philopon emprunte aux grands docteurs chrétiens dont il a lu les œuvres, n’est pas ce qui, dans son livre, retiendra le plus vivement notre attention ; nous nous arrêterons plus volontiers aux solutions originales qu’il propose.

En voici une à laquelle notre auteur semble attacher une importance particulière, car il y revient à plusieurs reprises.

Au premier jour, Dieu créa le ciel et la terre. Philopon regarde ce ciel (οὐρανός) comme distinct du firmament (στερέωμα) qui sera