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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

extérieure à toutes les autres. Tous veulent, d’ailleurs, que le Soleil, la Lune et les astres existent dans la sphère qui vient après celle-là, et, en voulant qu’il en soit ainsi, ils prennent la suite de Moïse. »

Ici, cependant, entre l’enseignement des astronomes et celui de l’Écriture, une opposition se manifeste. Que cette opposition fût vivement objectée par les Païens aux Chrétiens, et que les Chrétiens fussent embarrassés pour y répondre, le témoignage de Jean Chrysostome suffirait à nous en assurer. L’Écriture place tous les astres dans un seul et même firmament ; les astronomes, au contraire, les distribuent entre des sphères multiples mues de mouvements différents.

À cette objection, Philopon donne une réponse qui mérite quelque attention[1]. Dans un passage que nous avons précédemment reproduit[2], il développe cette pensée : Les astronomes n’ont jamais démontré que ces sphères multiples, destinées à mouvoir les astres, existassent en réalité : ce sont de simples hypothèses qu’ils posent en vue de sauver les phénomènes, et, dans leur désir de rendre compte des apparences d’une manière de plus en plus exacte, ils ont été amenés à imaginer des assemblages fort différents les uns des autres.

« Mais en quelque nombre qu’on veuille supposer ces sphères, le Ciel que compose leur ensemble et qui est formé de telles parties est un Ciel unique ; cela est évident par l’autorité de tous les Anciens qui ont, autrefois, parlé de ce sujet ; Aristote, lui-même, dans la discussion dont, nous avons parlé, après avoir enseigné combien de rotations de corps célestes les astronomes ont à supposer, montre que le nombre en est cependant limité et non point, infini ; « en sorte, dit-il, que le Ciel est manifestement un »…

» En tous cas, Ptolémée qui fut, pour ainsi dire, celui de tous qui a traité de ces questions avec le plus d’exactitude, s’accorde avec Moïse au sujet de la sphère sans astre. »

« Si quelqu’un, poursuit Philopon[3], nous demandait de dire la cause de la genèse du premier ciel, nous lui répondrions, en premier lieu, que l’hypothèse [de l’existence de ce Ciel] est commune à tous ceux qui sont venus après Moïse ; mais que ni la question ni la solution admise ne leur est commune. En second lieu, [nous lui demanderions, à notre tour, qu’il nous dise lui-même, tout

  1. Jean Philopon, loc. cit. ; éd, cit., pp. 114-116.
  2. Voir : Première partie ; chap, X § VI ; t. II, pp. 111-112.
  3. Joannis Philoponi Op. laud., lib. III, cap. 4 ; éd. cit., pp. 116-117.