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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome II.djvu/74

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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

qu’on se propose, en effet, c’est de savoir si, en admettant certaines suppositions, on parviendra à sauver les apparences. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que des astronomes divers se soient efforcés de sauver les phénomènes en partant d’hypothèses différentes — Δῆλον δέ, ὅτι τὸ περὶ τὰς ὑποθέσεις ταύτας διαφέρεσθαι οὐϰ ἔστιν ἐγϰλημα · τὸ γὰρ προϰείμενόν ἐστι, τίνος ὑποτεθέντος σωθείη ἂν τὰ φαινόμενα ; οὐδὲν οὖν θαυμαστόν, εἰ ἄλλοι ἐξ ἄλλων ὑποθέσεων ἐπειράθησαν διασῶσαι τὰ φαινόμενα ».

L’objet propre de l’Astronomie n’est donc, en aucune façon, de raisonner sur la nature de la cinquième essence et de formuler les conséquences qui découlent forcément de cette nature ; il est tout autre ; il consiste exclusivement à chercher des hypothèses au moyen desquelles on parvienne à sauver les apparences (σώζειν τὰ φαινόμενα). Deux ensembles d’hypothèses qui sauvent également bien les apparences ont un droit égal à la faveur des astronomes. L’accord entre les résultats des combinaisons du géomètre et les constatations de l’observateur est la seule marque qui permette d’apprécier à sa juste valeur une théorie astronomique.

Voilà des affirmations graves et grosses de conséquences ; depuis le temps de Simplicius jusqu’à l’époque de Copernic, nous les verrons produire ces conséquences ; leur fécondité, d’ailleurs, ne sera pas épuisée par là et, de nos jours, elle s’affirmera plus puissante que jamais.

Le langage que nous venons d’entendre est-il nouveau dans la Philosophie hellène ? D’autres, avant Simplicius, n’avaient-ils pas formulé les mêmes principes[1] ?

Remontons jusqu’à l’enseignement de Platon.

Nous avons vu[2] comment, par l’intermédiaire d’Eudoxe, de Sosigène, enfin de Simplicius, cet enseignement était venu jusqu’à nous. Nous avons dit en quels termes il formulait le problème astronomique que les mathématiciens devaient s’appliquer à résoudre : « Quels sont les mouvements circulaires, uniformes et toujours de même sens qu’il convient, de prendre pour hypothèses afin qu’on puisse sauver les apparences présentées par les pla-

  1. Voir, à ce sujet : Th. H. Martin, Mémoires sur l’histoire des hypothèses astronomiques chez les Grecs et chez les Romains ; Première partie : Hypothèses astronomiques des Grecs avant l’époque Alexandrine ; ch. 5, § 4 (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXX, 2e partie). — Giovanni Schiaparelli, Origine del Sistema planetario eliocentrico presso i Greci, ch. VI e appendice [Memorie del Instituto Lombardo di Science e Lettere ; Classe di Science matematiche e naturali ; vol. XVIII (série III, vol. IX), 17 mars 1898]. — P. Mansion, Note sur le caractère géométrique de l’ancienne Astronomie (Abhandlungen zur Geschichte der Mathematik, Bd. IX, 1899).
  2. Voir chapitre III, § I, t. I, pp. 102-104.