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PHYSICIENS ET ASTRONOMES. — I. LES HELLÈNES

des principes de la Physique a précisément été l’œuvre propre d’Aristote ; par elle, il a prétendu transformer les combinaisons géométriquement acceptables d’Eudoxe et de Galippe en une doctrine physique démontrée d’une manière apodiefique et, partant, nécessaire.

La comparaison de l’œuvre d’Aristote à celle d’Eudoxe et de Calippe nous permet ainsi de saisir sur le vif les relations que le Stagirite établissait entre la méthode géométrique et la méthode physique, le rôle qu’il attribuait à chacune d’elles dans la constitution de la Science astronomique ; au physicien, il demandait de définir les caractères indispensables qui doivent marquer les hypothèses légitimes : au géomètre, il laissait le soin de fixer le détail de ces hypothèses jusqu’à ce qu’elles sauvassent les apparences.

À côté de la méthode du géomètre, est-il absolument nécessaire d’introduire cette méthode du physicien qui, par une autre voie, se propose de résoudre les mêmes problèmes astronomiques ? On en pourrait douter si la méthode du géomètre était capable de donner une réponse exempte d’ambiguïté à la question que Platon également les apparences au moyen de diverses combinaisons de mouvements circulaires et uniformes, comment choisira-t-on entre ces hypothèses différentes, mais également satisfaisantes au jugement de l’astronome ? Ne faudra-t-il pas, pour ce choix, recourir à la décision du physicien dont la méthode apparaîtra, dès lors, comme le complément indispensable de la méthode astronomique ?

Or il est possible de sauver également les apparences par des combinaisons différentes de mouvements circulaires et uniformes. Le sens géométrique des Grecs était trop aiguisé pour que cette vérité ait pu leur demeurer longtemps cachée. De très anciens systèmes astronomiques, celui de Philolaüs par exemple, n’avaient pu germer qu’en des esprits bien convaincus de ce principe : Un même mouvement relatif peut être obtenu au moyen de mouvements absolus differents.

En tous cas, une circonstance se présenta où les astronomes durent acquérir une conscience particulièrement nette de cette vérité : Des hypothèses différentes peuvent être également propres à représenter les phénomènes. Cette circonstance s’offrit lorsqu’on reconnut qu’on pouvait également rendre compte des anomalies des planètes, soit par des mouvements géocentriques, soit par des mouvements héliocentriques. On comprit clairement qu’une circulation de la Terre autour du Soleil pouvait être une hypothèse très