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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

par leurs causes physiques les réalités que l’observation constate. Dans certains cas, l’astronome pourra, à l’aide des principes de la Physique, justifier des propositions que les théorèmes de la Géométrie lui affirment de leur côté. Ainsi, pour sauver les changements d’aspect qu’offre le ciel étoilé à un observateur qui se déplace du Sud au Nord, ou bien encore pour sauver la figure que l’ombre de la Terre dessine sur la Lune partiellement éclipsée, le géomètre contraindra l’astronome d’admettre la rotondité de la Terre ; et, d’autre part, le physicien, recourant à la théorie de la pesanteur, prouvera cette même rotondité en même temps qu’il en fera connaître la cause naturelle. En un tel cas, la Géométrie, d’une part, et la Physique, d’autre part, auront, par des méthodes différentes. justifié une même proposition d’Astronomie.

Mais cette équivalence entre la méthode géométrique et la méthode physique est exceptionnelle ; les deux méthodes, en général, sont en puissance de conséquences différentes ; elles sont donc appelées à se compléter l’une l’autre, chacune d’elles donnant à l’astronome des enseignements que l’autre serait impuissante à lui fournir.

S’il sait, par exemple, que tous les mouvements célestes doivent être produits par la composition de rotations uniformes attribuées à des orbes homocentriques au Monde, le géomètre pourra dire combien, à chaque planète, il faut attribuer d’orbes, autour de quel axe, dans quel sens, avec quelle vitesse il faut faire tourner chaque orbe, si l’on veut que les mouvements apparents de la planète soient exactement sauvés. Cette tâche confiée au géomètre, c’est celle qu’Eudoxe et Calippe se sont efforcés de mener à bien.

Mais pourquoi les mouvements des êtres impérissables que sont les corps célestes se réduisent-ils exclusivement à des rotations uniformes ? Pourquoi chacun des corps que ces rotations entraînent doit-il être compris entre deux surfaces sphériques concentriques au Monde ? Pourquoi ne peut-il subsister aucun espace vide entre ces divers corps ? Pourquoi le centre commun de leurs rotations doit-il être contenu dans un corps concret et immobile ? Pourquoi ce corps qui demeure naturellement en repos au centre du Monde doit-il être un corps grave ? Autant de questions auxquelles la Géométrie ne saurait donner réponse. À chacune d’elles, au contraire, la Physique fait correspondre une affirmation très formelle et très précise. Ce sont ces affirmations de la Physique qui déterminent la forme générale des seules hypothèses dont le géomètre ait le droit d’user pour sauver les apparences. Cette justification des hypothèses astronomiques à l’aide