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LA COSMOLOGIE HELLÉNIQUE

nes sans des images qui parlent aux yeux ». Théon va plus loin encore ; il attribue[1] à Platon lui-même l’opinion qui rejette le mouvement excentrique des planètes pour leur donner un mouvement suivant un épicycle dont le centre parcourt un cercle concentrique au Monde.

En réalité, Platon n’avait jamais eu à formuler une telle préférence, car jamais, sans doute, l’hypothèse de l’excentrique ni de l’épicycle ne s’était présentée à son esprit ; les révolutions homocentriques à l’Univers sont les seules auxquelles il ait fait allusion dans ses écrits : Proclus a eu grandement raison d’affirmer à plusieurs reprises[2] cette vérité.

Adraste et Théon, cependant, n’avaient pas entièrement tort en se réclamant des principes de la Physique platonicienne. Platon attribuait à chaque astre un mouvement de rotation autour de son propre centre ; il semble, dès lors, que la rotation de la sphère épicycle sur elle-même n’eût point choqué ses doctrines touchant les révolutions célestes ; il semble qu’il eût pu se rallier à la théorie du Soleil proposée par Hipparque. Seule, la Physique d’Aristote était vraiment incompatible avec l’existence des épicycles ; incapable d’aucune altération, inacessible à toute violence, l’essence céleste ne pouvait, selon cette Physique, manifester d’autre mouvement que son mouvement naturel ; et son seul mouvement naturel, c’était la rotation uniforme autour du centre de l’Univers.

Pour Adraste d’Aphrodisias et pour Théon de Smyrne, vraisemblablement aussi pour Dercyllide, le mathématicien devait porter son choix sur une hypothèse astronomique qui fût conforme à la nature des choses. Mais, pour ses philosophes, cette conformité ne s’appréciait plus au moyen des principes de Physique qu’Aristote avait posés ; elles se reconnaissait à la possibilité de construire avec des sphères solides convenablement emboîtées un mécanisme qui représentât les mouvements célestes ; le mouvement d’une planète, entraînée par la révolution d’un excentrique dont le centre parcourt un cercle concentrique au Monde, se laissait ainsi figurer par l’art du tourneur ; c’était donc une hypothèse que le physicien pouvait recevoir, en dépit des propriétés de la

  1. Théon de Smyrne, Op. laud., ch. XXXIV ; éd. Th. H. Mart in, p. 303 ; éd. J. Dupuis, p. 305.
  2. Procli Diadochi In Platonis Timœum commentaria. Edidit Ernestus Diehl ; Lipsiœ, 1903-1906. Βιβλίον Γ (Tim. 36 D), t. II, p. 264 ; Βιβλίον Δ, (Tim. 39 DE), t. III, III p. 96 ; Βιβλίον Δ (Tim. 40 CD), t. III, p. 146.