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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


ce qui apparaît dans les corps célestes, que les apparences soient, ou non, conformes à ce qui est ; beaucoup de choses, en effet, paraissent y être qui n’y sont pas, car la vue nous trompe. Martianus et Hipparque [1] traitent ainsi les questions.

» Traiter une question selon la méthode astronomique, c’est dire quelles choses sont en réalité, qu’elles apparaissent ou non ; ainsi font Julius Firmicus et Ptolémée.

» Lorsque l’on dit, par exemple, que le Ciel couvre toutes choses, on parle à la manière astrologique, parce qu’il semble qu’il en soit ainsi. ? »

Ce passage mérite d’arrêter quelques instants notre attention.

Dans l’étude de l’Astronomie, il établit une distinction essentielle entre les apparences que la vue saisit, mais qui peuvent ou non correspondre à des réalités (quæ videntur, sive ita sint, sive non), et les réalités, qui peuvent être ou non saisissables aux sens (quæ sunt, sive videantur, sive non) ; traiter des premières est l’objet de la méthode astrologique ; traiter des secondes est l’objet de la méthode astronomique. À ces deux mots, Guillaume de Conches garde leur sens étymologique ; la seconde méthode nous révèle seule la loi (νόμος) qui découle nécessairement de la nature même des choses ; la première est un simple discours descriptif (λόγος) destiné à faire connaître les apparences..

Guillaume de Conches, voulant citer un auteur qui ait pratiqué cette dernière méthode, donu’e avec raison le nom d’Hipparque que la lecture de Pline l’Ancien lui avait sans doute révélé.

En revanche, le nom de Ptolémée se trouve assez fâcheusement opposé au nom d’Hipparque. comme celui d’un homme qui aurait pratiqué la méthode astronomique ; il est clair que Guillaume n’avait aucune connaissance directe des écrits qui ont fait la gloire de Ptolémée ; s’il connaît quelque œuvre de ce grand homme, c’est une œuvre que nous nommerions aujourd’hui astrologique ; une telle œuvre peut s mile être rapprochée de celle de Julius Firmicus Materna. Il serait d’ailleurs injuste de s’étonner que Guillaume eût mis de tels écrits au nombre de ceux qui suivent la méthode propre à nous découvrir ce que sont en réalité les corps célestes ; n’est-ce pas là, en effet, la prétention des astrologues ?

L’opposition que Guillaume de Conches établit ici entre l’astronome et l’astrologue est analogue à celle qu’il a établie, d’une manière plus générale, entre le philosophe et le physicien ; l’as-

1. Au lieu de Hipparchus, que donnent Hirsaugiensis et Honorius, Beda donne le mol dénué de sens : Hyspaïcus.

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