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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/121

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


aux marées qui se produisent sur les côtes de la Manche et du Golfe de Gascogne. « On affirme, dit-il, qu’entre l’île de Bretagne et la Gaule, il existe un autre tourbillon semblable ; la preuve en est donnée par les côtes de la Gaule Séquanaise et de l’Aquitaine ; deux fois par jour, elles sont recouvertes par un flux si soudain que celui qui s’est, par hasard, un peu trop avancé sur la grève, a grand peine à s’enfuir. Vous verriez les fleuves de ces pays-là rebrousser chemin, d’un cours très rapide, vers leur source, et, sur une longueur de nombre de milles, les eaux douces de ces fleuves changées en eaux saumâtres ».

Paul Diacre n’hésite pas à penser que les très faibles marées de l’Adriatique sont dues, elles aussi, à une cause analogue.

« Notre mer, c’est-à-dire l’Adriatique, va et vient d’une manière semblable, bien qu’à un moindre degré, sur les rivages de Venise et de l’istrie ; il est à croire qu’elle possède des gouffres du même genre, petits et cachés, qui absorbent les eaux au moment où elles délaissent les côtes et les revomissent pour qu’elles envahissent derechef le rivage. »

Paul Diacre ne fut point seul à professer cette opinion sur l’origine des marées ; d’autres auteurs, dont tel est peut-être plus ancien que lui, l’ont également adoptée.

Tel est, par exemple, l’auteur de la vie de Saint Condedus. Cette vie, dans l’état où nous la possédons aujourd’hui [1], semble avoir été rédigée postérieurement à l’année 730, mais d’après une source plus ancienne ; nous ne pouvons savoir, il est vrai, si ce document plus ancien contenait le passage qui va retenir notre attention.

On nous dit, donc, que Saint Condedus s’était retiré, pour y vivre en ermite, dans une île de la Basse-Seine, l’île Belcinacca, aujourd’hui Bercignac. « Au temps des vives-eaux (malinæ) comme au temps des mortes-eaux (lidones), le flot de la mer ne manque pas d’entourer cette île trois fois par période de vingt-quatre heures (ter per revolutionem diei ac noctis) ». On remarquera que l’auteur introduit ici une grave erreur ; il n’avait point, de la marée, une expérience personnelle. « Si vigoureuse est l’impulsion qui précipite ce flot, qu’il remonte le cours de la Seine, , au delà de cette île, sur une longueur de soixante milles et plus, vers l’Orient ; il atteint ainsi jusqu’au lieu nommé Pista ; et déjà, le cours de la Seine, depuis cette île jusqu’à la mer, est évalué à trente milles ; ce flot sort d’un ombilic ou d’un charybde de la mer ». Et notre

1. Acta Sanctorum, Octobria t. IX, Pariai ia et Romae, Viotor Palmé, ï86o : pp. 355-357.

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