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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/122

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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


auteur de reproduire mot pour mot ce que Paul Diacre nous a déjà dit du flux, du reflux et du gouffre qui les produit.

De notre auteur et de Paul Diacre, quel est celui qui a fourni à l’autre cette explication des marées ? Nous ne saurions le dire. Peut-être, sans se connaître, ont-ils tous deux, comme le suppose M. Almagià [1], puisé à une même source plus ancienne et que nous ignorons.

Dans la théorie admise par Paul Diacre, il n’est plus aucunement question d’une relation entre le cours de la Lune et l’alternative du flux et du reflux.

Ceux des lecteurs de cet auteur qu’avait, par ailleurs, instruits la lecture de Saint Ambroise, de Saint Isidore de Séville, du vénérable Bède, devaient s’en étonner ; ils devaient être portés à combiner son explication avec celle qui reconnaissait l’influence de la Lune sur la marée ; une telle combinaison ne pouvait d’ailleurs produire qu’une théorie d’une incohérence extrême. Telle est celle que le mystérieux Honorius Inclusus expose dans son De imagine mundi.

Nous avons vu [2] que cet auteur avait eu la bonne idée, pour traiter du flux et du reflux de la mer, de chercher son inspiration dans le De ratione temporum du Vénérable Bède, c’est-à-dire, parmi tous les livres qui étaient à sa disposition, dans celui qui lui fournissait les renseignements les plus complets et les plus exacts. Mais, mis en possession de la théorie de Bède, il n’a pas eu l’heureuse pensée de négliger celle de Paul Diacre ; et voici les étranges réflexions qu’il a jointes à l’exposé de la première [3].

« L’antipostis, c’est-à-dire le tourbillon (vorago) qui est dans l’Océan, absorbe et revomit les flots par un flux plus considérable au lever de la Lune. Ce tourbillon qui absorbe et revomit toutes les eaux ainsi que les navires devient un gouffre (abyssus). Or il y a, dans la terre, un abîme très profond dont il est écrit : Les grandes sources de l’abîme ont été rompues. Près de cet abîme, il y a des cavernes et des roches qui sont largement béantes. Dans ces lieux, le souffle (spiramen) des eaux engendre des vents qu’on appelle esprits des tempêtes ; ces vents, à leur tour, attirent les eaux de la mer à l’intérieur de l’abîme par les cavernes qui sont ouvertes dans les terres ; lorsque ces eaux débordent, ils les repoussent avec une grande impétuosité. Ce sont aussi ces vents qui produisent les tremblements de terre… »

1. R. Almagia, Op. laud., p. 427, en note.

2. Voir : Seconde partie, Cn. Il, III ; ce vol., p. 33.

3. De imagine mundi lib. I ; ap. Opusc., cap, XXU, üe aqua ; ap. Patrol., cap. XL.

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