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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


le flot au moment où, en mer, le reflux est général ; c’est au moment où se produit le flot qu’il renvoie et laisse échapper l’eau qu’il avait reçue. »

« Chose[1] plus étonnante encore ! Près d’Arklow (Archelum), il y a une roche telle que la marée monte d’un côté tandis qu’elle baisse de l’autre côté. »

Notre auteur sait, d’ailleurs, qu’en chaque lieu, il y a une relation constante entre la loi’de la marée et le cours de la Lune.

« Lorsque la Lune passe au méridien, toujours l’Océan, ramenant au fond de réservoirs cachés les ondes qui sont ses suivantes, délaisse entièrement les côtes orientales de l’Angleterre. Mais au moment de ce passage, sur la côte irlandaise de Dublin, le flot atteint son plein. Sur la côte irlandaise de Wexford (Weisefordia), les marées n’imitent pas les marées irlandaises de Dublin, mais bien les marées britanniques de Milford Haven. »

Giraud sait également cemment les vives-eaux sont liées aux phases de la Lune.

« Lorsque la Lune, dit-il, reprenant peu à peu sa lumière, devient plus enflée qu’en la dichotomie et se met, pour ainsi dire, à faire le ventre, certaines causes secrètes de la nature commencent d’exaspérer et d’émouvoir les ondes occidentales. Jusqu’au moment où la Lune atteint la parfaite rotondité d’un disque, le flux, de jour en jour, enfle davantage ; franchissant ses bornes habituelles, il couvre les rivages avec une croissante abondance. Mais lorsque les feux de la Lune viennent à fuir, lorsque la Lune décroît comme si son visage se détournait de nous, cette enflure se dégonfle peu à peu ; il semble que, suivant le décroît de la Lune, s’apaise la surabondance qui avait fait déborder la mer, en sorte que celle-ci rentre dans son propre lit. »

Qu’advient-il durant la demie lunaison qui s’écoule du dernier quartier au premier quartier ? Giraud ne le dit pas ; mais nous l’avons vu trop instruit des choses de la mer pour l’accuser d’ignorance à ce sujet ; il sait évidemment que la nouvelle-lune, comme la pleine-lune, correspond à des vives-eaux.

Des faits qu’il vient de rapporter, l’archidiacre de Brecknock donne l’explication que les astrologues ont rendue classique.

« Phœbé est la source et l’adoucissement de tout ce qui est humide. Ce ne sont pas seulement les ondes de la mer ; ce sont aussi, chez les êtres animés, la moelle des os, la cervelle, les sucs

  1. Giraldi Cambrensis Op. laud., dist. II, cap. III ; Quod Luna tam liquores moderatur quam humores. (Giraldi Cambrensis Opéra, éd. cit., vol. V, p. 78).