Poursuivons la lecture de Thierry. La doctrine si particulière qu’Aristote et ses commentateurs ont soutenue au sujet du mouvement du Ciel, la doctrine par laquelle, de ce mouvement, ils ont prétendu conclure à l’existence nécessaire d’une terre immobile au centre du Monde, cette doctrine si aisément reconnaissable, nous allons la retrouver sous la plume de l’Ecolâtre de Chartres1 :
« In principio creavit Deus Câelum et terram. C’est comme s’il disait : Au premier instant, il créa à la fois le Ciel et la Terre... Mais qu’appelle-t-il Ciel et Terre, et comment, selon l’enseignement rationnel de la Physique, ces deux corps ont-ils été créés en même temps ? C’est ce que je vais m’efforcer de démontrer.
» La raison reconnaît que tout corps compact tire la substance même de son épaisseur et de sa lenteur du mouvement agile et de la perpétuelle agitation des corps légers qui le compriment de toutes parts. D’ailleurs, les corps légers tirent la substance de leur agilité de ce fait qu’ils s’appuient sur un corps compact et solide. Réciproquement, donc, la légèreté exige la cohésion, et la cohésion requiert la légèreté. C’est, je pense, ce qu’il n’est pas hors de propos de prouver.
» Que la terre doive sa dureté aux corps légers qui la compriment de tous côtés, cela est manifeste. Une chose est dure, en effet, dont les parties ne cèdent pas facilement à l’effort fait pour les diviser. Or, que la terre soit telle, cela ne provient pas de la nature des particules dont elle est formée ; car, s’il en était ainsi, ces particules ne pourraient passer au sein des corps légers tels que l’air ou le feu ; et ce passage a manifestement lieu, car les éléments passent des uns aux autres. De même, si la terre et l’eau ont de la cohésion, cela ne provient pas du poids des éléments qui se trouvent au-dessus d’elles ; ces éléments, en effet, ne sont d’aucun poids.
» Il reste donc que les deux éléments inférieurs, la terre et l’eau, ont été contraints et concrètes jusqu’au degré de cohésion qu’ils présentent par l’agilité des éléments légers, qui les comprime de toutes parts.
» D’un autre Côté, l’agilité des corps légers, comme l’air et le feu, ne peut se passer de mouvement ; mais ce mouvement, il est nécessaire qu’il ait lieu autour d’un corps cohérent tel que les précédents, afin qu’il soit soutenu par ce corps et qu’il s’y appuie. » Que tout mouvement s’appuie à un support solide, cela est rendu probable par l’induction tirée d’une foule d’exemples.
1. B. Hauréau, Op. iaad., pp. 177-178.