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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/200

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LE TRIBUT DES ARABES


est exact ; ce qui est le centre, en effet, se trouve au milieu ; d’autre part, il est certain que rien, dans une sphère, ne peut être plus profondément situé (imum) que le milieu ; et si la Terre est placée au lieu le plus profond, il est, par suite, vrai de dire que tous les corps se portent vers elle, car la nature conduit toujours les masses pesantes au lieu le plus profond…

» Un air épais, qui tient bien plus du froid terrestre que de la chaleur solaire, l’entoure de tout côté ; par l’inertie (stupor) de ce gaz (spiramen) plus dense, elle est étayée et contenue ; tout mouvement, soit dans un sens, soit dans l’autre, lui est interdit par la force de ce fluide (aura) qui î’enceint et qui la tient en équilibre, la pressant de toute part avec une égale vigueur. Tout mouvement lui est également interdit par la forme sphérique de sa surface ; si cette surface s’écartait si peu que ce fût du milieu du Monde, elle s’approcherait de quelque point [du Ciel] (vertex) et quitterait le lieu le plus profond ; ce lieu le plus profond, en effet, se trouve seulement au milieu, car cette partie est la seule qui soit équidistante de tous les points de la sphère [céleste].

» Vers cette Terre, donc, qui est située au lieu le plus profond, et qui est comme le milieu du Monde, qui ne se meut point parce qu’elle est le centre, il est nécessaire que tous les poids se portent ; car elle-même, elle git en ce lieu comme le ferait un poids. »

Que Thierry de Chartres ait lu ce passage et que, parfois, sa théorie en garde le souvenir, nul n’en doute ; mais comme sa pensée, touchant la fixité de la Terre, diffère de celle de Macrobe ! Comme elle est, à la fois, plus précise et plus voisine de la véritable doctrine péripatéticienne ! N’est-il pas clair que, pour se renseigner au sujet du lieu et du mouvement, l’Écolâtre chartrain a puisé à une autre source que le Commentaire au Songe de Scipion, et plus abondante ? Ne saisissons-nous pas ici sur le fait la pénétration, au sein de la Scolastique latine, de la Physique aristotélicienne récemment traduite ?