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L’INITIATION DES BARBARES


occupent, se trouvent au-dessus de toute créature corporelle ». Cette phrase nous montre que l’auteur n’admet pas l’existence, au-dessus du firmament et des eaux célestes, de ce ciel suprême où Isidore plaçait le séjour des bienheureux.

Quel est le rôle de ces eaux ? Les uns pensent que Dieu les tenait en réserve en vue du déluge. Les autres croient que les eaux du déluge provenaient simplement des nuées, comme les pluies ordinaires ; « ils déclarent donc que ces eaux ont été placées au-dessus du firmament afin de tempérer la chaleur du feu qui brûle dans les luminaires et dans les étoiles, et de l’empêcher de rôtir plus qu’il ne convient les espaces inférieurs ». C’est, en effet, à cette explication que s’était rallié Isidore de Séville. La première opinion, au contraire, avait été longuement exposée et discutée par Augustin l’Hibernais.

« Après ces eaux, dans l’ordre des créatures corporelles, vient, en second lieu, le firmament[1] qui, comme nous l’avons dit, créé au second jour, sépare les deux sortes d’eaux ». Ce firmament est-il « vide ou pénéfrable, ou solide et rigide ? » Il est, pour chacune de ces opinions, des partisans entre lesquelles notre auteur ne tranche pas.

Il ne nous renseignera pas davantage au sujet de l’Astronomie, car, après avoir mentionné[2] la création du Soleil et de la Lune, et dit quelques mots des phases de cette dernière, il ajoute : « Ce n’est pas ici le lieu de disserter des cours du Soleil, de la Lune et des temps ».

Or cet auteur, qui semble si peu soucieux de Physique, s’arrête avec complaisance à l’étude des marées[3].

Il dit, tout d’abord, « que la parfaite concordance du flux et du reflux de l’Océan avec le cours de la Lune apparaît clairement à quiconque observe avec soin, car, sans cesse, on voit, en vingt-quatre heures, l’Océan s’avancer deux fois sur la terre et se retirer deux fois ». Puis, tout aussitôt, il nous apprend que les marées se distinguent en malinæ et ledones.

Il nous enseigne alors ce qu’il a sûrement lu dans Augustin : Que « le flot et le jusant des ledones durent également six heures, tandis qu’en une malina, le flux se fait en cinq heures et le reflux en sept heures ». Il nous apprend que les malinæ ont lieu à la nouvelle-lune et à la pleine-lune, les ledones aux quadratures. Mais, en lecteur qui tient d’autrui la description d’un phénomène

  1. S. Isidori Hispalensis Op. laud., cap. IV ; éd. cit., coll. 921-922.
  2. S. Isidori Hispalensis Op. laud., cap. V ; éd. cit., coll. 923-925.
  3. S. Isidori Hispalensis Op. laud., cap. IX ; éd. cit., coll. 936-937.