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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/222

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LE TRIBUT DES ARABES


écrits qui ont pour titre De constructions astrolabii ou De utilitate astrolabii.

Notre Marseillais avait, lui aussi, écrit un traité De composition astrolabii qu’il cite fréquemment[1] dans son Liber cursuum planetarum. Et même, en ce dernier ouvrage, il prend occasion de la division de la terre en cinq zones ou climats pour rappeler sommairement[2] comment se construit cet instrument. Il résume les règles qui servent à tracer la mère de l’astrolabe, les deux réseaux, les tablettes ; il annonce les figures de ces diverses pièces ; malheureusement, les places du manuscrit[3] où devaient être dessinées ces figures sont demeurées en blanc ; et, d’autre part, les descriptions données au texte sont trop sommaires pour nous permettre de reconnaître quel est l’astrolabe construit par notre auteur. Avait-il connaissance de l’astrolabe perfectionné qu’Al Zarkali avait imaginé ? Est-ce celui-là qu’il enseignait à composer ? Il eût été intéressant de le savoir, et nous ne pourrions l’affirmer ni le nier.

À vrai dire, l’auteur dont nous venons d’analyser l’ouvrage n’apparaît pas comme un savant d’une grande originalité ; il n’a fait que transposer au méridien de Marseille et à la chronologie chrétienne l’œuvre d’Al Zarkali et des astronomes de Tolède ; il n’a été qu’un adaptateur. Mais un adaptateur est beaucoup plus qu’un traducteur ; à ce titre, il nous semble plus élevé d’un degré, dans l’ordre des connaissances astronomiques, que les Latins qui l’ont précédé ou qui ont été ses contemporains.

À ces Latins, il a voulu rendre un service très grand, et dont il comprenait l’importance, en leur facilitant l’usage des tables et des canons astronomiques les plus récents et les plus parfaits que l’on eût alors. A-t-il réussi, comme il le souhaitait, à répandre dans la Chrétienté latine la connaissance de l’œuvre d’Al Zarkali et des astronomes de Tolède ? Nous ne le croyons pas. Parmi les savants de la Chrétienté occidentale, cette œuvre va, semble-t-il, demeurer longtemps encore inconnue. Il faudra que, près d’un siècle plus tard, un autre astronome marseillais, Guillaume l’Anglais, la révèle au Monde Latin. Mais Guillaume l’Anglais lui-même n’en devait-il pas la connaissance à l’auteur des Tables de Marseille ? Et lorsque nous aurons à nous occuper de l’École astronomique que Marseille et Montpellier virent fleurir au xiiie siècle, ne devrons-nous pas chercher l’origine de cette École dans

  1. Ms. cit., fol. 11o, col. d ; fol 112, col. a ; fol. 115, col. b ; fol. 116, col. a.
  2. Ms. cit., fol. 115, col. b, et fol. 116, col. a.
  3. Ms. cit., fol. 115, partie inférieure du recto et tout le verso.