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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


tation de l’hypothèse qui retarde jusqu’au milieu du xiiie siècle la composition de ce livre, afin de l’attribuer, fort gratuitement d’ailleurs, à Gérard de Sabbionetta ?

Alain nous apparaît, dès lors, comme un curieux des choses de la science, qui, pour s’instruire de l’Astronomie, s’adresse aux livres tout récemment écrits ou traduits.

Il apportait sans doute le même soin à s’enquérir des connaissances astrologiques ; c’est, en effet, d’Astrologie qu’il est question en ce passage[1] :


Illic astra, polos, cælum septemque planetas
Consulit Albumasar, terrisque reportat eorum
Consilium, terras armans, fîrmansque caduca
Contra cælestes iras superumque furorem.


Alain connaissait Albumasar et le regardait comme le grand maître de la Science astrologique ; il n’est pas téméraire de penser qu’il avait puisé cette conviction dans la lecture de l’Introductorium in Astronomiam traduit par Hermann le Second.

Les Theoricæ planetarum et l’Introductorium in Astronomiam sont donc deux écrits qu’Alain de Lille avait probablement consultés avant de composer l’Anticlaudianus. Quelque autre traité consacré à la Science des astres était-il venu à sa connaissance ? Ce qu’il dit des positions respectives du Soleil, de Vénus et de Mercure nous donnera peut être une indication à cet égard.

Au passage que nous venons de citer, les planètes sont énumérées comme si Vénus et Mercure se trouvaient au-dessus du Soleil ; en un autre passage[2], qui précédait celui-là, l’énumération des astres errants plaçait Vénus et Mercure entre la Lune et le Soleil ; ni l’un ni l’autre de ces deux passages contradictoires n’indiquait, d’ailleurs, que l’auteur eût l’intention d’y marquer l’ordre exact suivant lequel les sphères célestes se superposent ; ni de l’un ni de l’autre, il n’est permis de déduire ce qu’Alain pensait de cet ordre.

Il n’en est pas de même du passage qu’on rencontre en la description du voyage de la Prudence au travers des orbes du Monde. La vierge, que son char entraîne de plus en plus haut, atteint[3] les régions supérieures de l’air, puis la sphère de la Lune qu’elle traverse pour pénétrer dans l’orbe du Soleil[4] :

  1. Alain de Lille, loc. cit. ; éd. cit., col. 521.
  2. Alani de Insulis Anticlaudianus, lib. II, cap. III ; éd. cit., col. 501.
  3. Alain de Insulis Anticlaudianus, lib. IV, cap. VI.
  4. Alain de Lille, loc. cit. ; éd. cit., col. 526.