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LE TRIBUT DES ARABES

C’est par la définition de l’excentrique que débutent les Theoricæ planetarum de Gérard de Crémone ; la première phrase de cet ouvrage est, en effet, la suivante :

« Circulus excentricus, vel egressæ cuspidis, vel egredientis centri dicitur qui non habet centrum suum cum centro mundi. »

Cette expression : circulus egressæ cuspidis ne se rencontre d’ailleurs, croyons-nous, en aucun des traités astronomiques qu’Alain de Lille aurait pu lire, sauf aux Théories des planètes de Gérard et au traité d’Al Fergani.

Ce dernier traité, en effet, nous présente les lignes suivantes[1] :

« Cuspis autem circuli signorum, qui est circulus stellarum fixarum, est cuspis terræ, Cuspides vero cæterarum stellarum 7, quæ sunt sphæræ planetarum erratiorum, sunt remotæ a cuspide terræ in partibus diversis. Et in unaquaque harum sphærarum 8 est circulus abscindens sphæram per duos medietates ab oriente in occidentem. Et circulus qui abscindit sphæram stellarum fixarum est cingulus circuli cujus mentio præcessit, et ad hunc refertur motus æquatus qui videtur omnibus planetis ab occidente in orientem. Unusquisque aulem egressæ circulorum cuspidis vocatur circulus egressæ caspidis

» Corpus vero Solis est compositum super sphæram suam, cujus cuspis egressa est a cuspide signorum volviturque in eo volutione æquali… »

Des deux sources que nous venons de citer, quelle est celle dont le courant arrosa l’Anticlaudianus ? C’est une question à laquelle il est malaisé de répondre. Tout d’abord, ces deux sources ne sont peut-être pas entièrement distinctes, car la langue de Gérard de Crémone a pu imiter celle de Jean de Luna et lui emprunter l’expression : Circulus egressæ cuspidis. Puis, rien n’empêche de croire que le Résumé d’Al Fergani et les Théoriques de Gérard soient également venues aux mains d’Alain. Il semble, toutefois, que les deux derniers vers que nous avons cités soient une reconnaissable imitation de la définition par laquelle débute l’opuscule du traducteur de l’Almageste.

Si donc nous ne nous abusons point, n’aurions-nous pas ainsi une preuve manifeste que le Poète lillois avait lu les Theoricæ planetarum ? N’y trouvons-nous pas, par contre-coup, une réfu-

  1. Brevis ac perutilis compilatio Alfragani… Norimbergæ apud Joh. Petreium, MDXXXVII. De narratione formæ orbium stellarum, et de compositione eorum, et de ordinibus longitudinum eorum a terra. Diff. XII. Fol. 11, verso, et fol. 12, recto.