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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


mètre apparent de certains astres, qui nous fait observer, au même point du Zodiaque, des éclipses de Soleil tantôt totales et tantôt annulaires, qui, partant, nous contraint de conclure que le Soleil, la Lune et les planètes ne sont pas toujours à la même distance de la Terre ?

Ainsi la Doctrine catholique, d’une part, et, d’autre part, la Science expérimentale, que représentait alors le système de Ptolémée, allaient avoir, toutes deux, à livrer bataille ; de l’une et de l’autre, l’adversaire était le même ; c’était le parti d’Aristote et de ceux qui l’ont suivi, « Aristoteles et ejus sequaces », selon l’expression qu’employait volontiers Guillaume d’Auvergne ; c’était, comme on disait encore, le parti des Philosophes, des Physiciens (Naturales).

Comme elles avaient à lutter contre un même ennemi, la Science expérimentale et la Doctrine catholique allaient se trouver, de fait, alliées l’une de l’autre ; chacune d’elles, en bataillant pour elle-même, allait venir en aide à la querelle de l’autre ; bien souvent, d’ailleurs, les mêmes hommes devaient commander alternativement la charge contre la Philosophie gréco-arabe sur les deux champs qu’elle prétendait envahir.

Pour la clarté de l’exposition, il nous faudra mener séparément les récits de ces deux batailles dont, pendant un siècle, les diverses péripéties se trouvèrent entremêlées d’une façon si intime. Dans la troisième partie et dans la quatrième partie de cet ouvrage, nous conterons quels assauts la Scolastique latine lança contre la Métaphysique gréco-arabe. Nous allons consacrer le reste de cette seconde partie à montrer comment l’Astronomie de Ptolémée parvint à triompher du système des sphères homocentriques que la Théorie des planètes d’Al Bitrogi, traduite par Michel Scot, avait révélée aux Chrétiens d’Occident.

Les propres écrits de Michel Scot étaient également destinés à favoriser la diffusion de cette doctrine.

Lorsqu’il traite, dans son ouvrage sur les Météores, de la théorie de l’arc-en-ciel, Albert le Grand expose[1] et rejette l’opinion que Nicolas le Péripaticien avait émise en ses Questions ; à sa critique, il ajoute ces sévères paroles : « Dans le livre qui a pour titre : Questions de Nicolas le Péripatéticien, il y a des affirmations honteuses (fœda dicta) ; aussi ai-je coutume de prétendre que ce livre n’est pas l’œuvre de Nicolas, mais celle de Michel Scot ; et celui-

  1. Alberti Magni Metheororum liber III ; tractatus IV : De coronis et iride quæ apparent in nubibus ; cap. XXVI : Et est digressio declarans sententiam Avicennæ, et Algazelis, et Nicolai Peripatetici de iride.