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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/251

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


ci, à dire vrai, n’a jamais su la Physique ni bien compris les livres d’Aristote ».

De même qu’Albert le Grand a cité les Quæstiones de Nicolas le Péripatéticien à propos de la théorie de l’arc-en-ciel, de même Pierre d’Abano invoque[1] les Problemata, de Nicolas le Péripatéticien à propos de la nature des éléments. Or les propos de Pierre d’Abano paraissent bien apporter la preuve de l’accusation formulée par Albert le Grand.

Le Médecin padouan nous apprend, en effet, qu’au gré de Nicolas le Péripatéticien, l’air n’est chaud que d’une manière tempérée, tandis qu’il est humide au plus haut degré, parce que l’humidité lui est substantielle ; de même le froid est substantiel à l’eau, la sécheresse à la terre, la chaleur au feu.

Après avoir exposé cette opinion, Pierre d’Abano discute si « la qualité qui est, à titre principal, appropriée à un élément, en est la forme substantielle, comme Nicolas le Péripatéticien le paraît croire. »

Or cette doctrine qui nous est donnée comme propre à Nicolas le Péripatéticien, nous la reconnaissons, très explicitement formulée, dans un ouvrage de Michel Scot, dans ces Questions sur la Sphère de Joannes de Sacro-Bosco que nous allons analyser tout à l’heure.

« Remarquez, dit Michel[2], que tout élément a deux qualités dont une est essentielle et l’autre accidentelle. Ainsi, dans le feu, la chaleur est la qualité essentielle, tandis que la sécheresse est la qualité accidentelle. Dans l’air, l’humidité est essentielle et la chaleur accidentelle. Dans l’eau, le froid est essentiel et l’humidité accidentelle ; Dans la terre, enfin, la sécheresse est essentielle et le froid est accidentel.

» En outre, dans certains éléments, la qualité accidentelle est plus manifeste que la qualité essentielle ; ainsi, dans l’eau, l’humidité est plus manifeste que le froid. »

N’est-il pas évident, maintenant, que ce sont ses propres pensées que Michel Scot a tenté de faire passer, comme Albert le Grand l’en accuse, sous l’autorité de Nicolas le Péripatéticien ?

Le xiiie siècle possédait donc des Questions ou Problèmes portant sur les sujets qu’Aristote avait traités dans ses Μετεωρολογιϰά ; Michel Scot, sans doute, avait mis ces Questions en circulation, en

  1. Petri de Abano Patavini Conciliator differentiarum philosophorum et medicorum ; differentia XIII.
  2. Michaelis Scoti Quœstiones saper Auctorem sphœrœ. Au commentaire du passage qui débute par ces mots : Universalis Mundi machina.