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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


« Sequaces Aristotelis, et qui famosiores fuerunt de gente Arabum in disciplinis Aristotelis. »

De cette confusion, par laquelle Avicenne et Al Gazâli deviennent, pour Guillaume, les interprètes de la pensée d’Aristote, nous aurons plus tard, à discourir plus longuement. Parmi les Arabes, il en est un seul qui pouvait prétendre au titre de fidèle commentateur d’Aristote ; c’est Averroès. Guillaume a-t-il connu les commentaires d’ Averroès ? Bien qu’il ne les cite pas, Renan paraît insinuer qu’il les avait lus et qu’il leur emprunte, en particulier, ce qu’il dit de la doctrine de l’unité de l’intellect humain. « Cette doctrine, dit Renan[1], il l’expose avec toutes les particularités qu’Averroès y a ajoutées et dont on ne trouve aucune trace dans le Traité de l’âme ». Mais ces détails, il pouvait tout aussi bien les tenir de Moïse Maimonide, comme nous aurons occasion de le marquer dans un autre chapitre. Sans doute, il ne cite pas plus Rabbi Moïse qu’Averroès ; mais le Guide des égarés devait déjà être traduit, car, peu d’années plus tard, Albert le Grand en fera un fréquent usage.

On pourrait également, à l’appui de l’opinion qui fait de Guillaume un lecteur d’Averroès, citer les nombreux souvenirs que l’on croit rencontrer en ses écrits de l’argumentation dirigée par le Commentateur contre l’Astronomie de Ptolémée. Mais tous les passages qui rappellent cette argumentation peuvent tout aussi bien passer pour des échos de la discussion menée, contre cette même astronomie, par. Alpétragius ; or ce dernier est explicitement cité par Guillaume.

Il semble, d’ailleurs, que cette discussion de l’hypothèse des épicycles et des excentriques ait très vivement attiré l’attention de l’Evêque de Paris, et que son esprit en ait gardé une très forte impression. Les objections qu’Alpétragius avait opposées à la théorie de Ptolémée, il les reprend et les façonne, afin de s’en servir, plus ou moins heureusement, à l’encontre de doctrines toutes différentes.

D’ailleurs, les opiuions que Guillaume professe touchant les mouvements célestes sont singulièrement confuses et mal informées ; elles le sont à ce point qu’il est parfois malaisé de les analyser.

Voici une première question dans laquelle nous allons voir intervenir des arguments qui avaient été, tout d’abord, forgés contre l’Astronomie de l’Almageste.


    1516, vol. II, fol. CIII, col. c. ; Cf. Ernest Renan, Averroès et l’Averroïsme, essai historique, Paris 1852. Ch. II, § 5, pp. 179-183.

  1. Ernest Renan, Averroès et l’Averroïsme, p. 182.