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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/260

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L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS

Guillaume se demande[1] si la première création a été, ou non, celle du ciel empyrée. Le ciel, répond-il, et les quatre éléments ont été créés au même instant. Supposons, en effet, que le ciel ait été créé d’abord. Le lieu des éléments n’aurait pu demeurer vide, car le vide est impossible ; il aurait donc fallu que ce lieu se formât par un mouvement local du ciel ou par une condensation de la substance céleste ; ce mouvement local n’aurait pu se produire sans que le ciel se morcelât ; cette condensation supposerait que la substance céleste, compressible à l’origine, eût ensuite perdu sa compressibilité. Toutes ces suppositions sont inadmissibles. Les raisons par lesquelles Averroès rejetait le système de Ptolémée sont ici détournées vers un objet auquel le Commentateur ne songeait guère.

Ces mêmes raisons, Guillaume les invoque[2] pour démontrer que les astres se meuvent uniquement par suite du mouvement de leurs orbes, dans lesquels ils sont enchâssés comme les clous sont fichés dans une roue, et qu’ils n’ont aucun mouvement propre. En effet, ce mouvement propre est impossible, « car il n’y a place, en la substance céleste, ni pour la raréfaction, ni pour la condensation. ... Si les étoiles se mouvaient au sein du ciel, elles le couperaient et le diviseraient. »

En démontrant que les astres sont forcément entraînés par le mouvement de leurs orbes, il pense[3] détruire l’opinion de ceux qui attribuent aux planètes un mouvement propre en sens contraire du mouvement du huitième ciel, c’est-à-dire vers l’Orient, tandis que le ciel lui-même les entraînerait vers l’Occident. Contre cette opinion, il pousse un nouvel argument ; « cela ne saurait planètes, soit qu’il n’y ait pas égalité ; si elles sont égales, la planète s’arrêtera et se rompra ; si elles sont inégales, la planète suivra celle qui est la plus forte. »

L’argument invoqué en dernier lieu tirait toute sa force des idées absurdes que Guillaume concevait au sujet de la composition des mouvements ; quant aux premières raisons, elles ne prouvaient rien à l’encontre d’un système astronomique tel que celui d’Aristote. L’Évêque de Paris, cependant, s’imagine que ses raisonne-

  1. Gullielmi Alverni De Universo Partis primae pars I, cap. XXXI ; éd. 1516, vol. II, fol. CVII, coll. a et b : éd. 1674, t. I, p. 626.1
  2. Gullielmi Alverni De Universo Partis primae pars I, cap. XLIV ; éd. 1516, vol. II, fol. CXIX, coll. a : éd. 1674, t. I, p. 649.
  3. Guillaume d’Auvergne, loc. cit. ; éd. 1516. vol. II , fol, CXIX CXIX, marqué CXI, col. c ; éd. 1674, t. I , p. 651.