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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/265

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


potier ou de forgeron ; ils semblent comparer le Créateur tout puissant au potier ou au. forgeron, et non pas à un roi dans la gloire suprême. » Les cieux mobiles n’offriraient pas à ce roi une habitation digne de sa majesté ; à son séjour convient le perpétuel repos.

L’Empyrée est absolument immobile. Le ciel des étoiles fixes et les cieux des astres errants sont tous animés de mouvements compliqués et composés. Il faut donc [1] qu’entre l’Empyrée et le ciel des étoiles fixes, se trouve un ciel mû d’un mouvement simple et uniforme. De là découle la nécessité de VAplanon, qu’anime le seul mouvement diurne.

Cette preuve de l’existence du neuvième ciel, non moins que le premier des arguments cités en faveur de l’immobilité de l’Empyrée, nous manifeste clairement l’influence que les théories de Michel Scot avaient exercée sur la raison de Guillaume d’Auvergne.

Michel Scot est évidemment un de ceux qui ont contribué à révéler à Guillaume le Péripatétisme islamique et l’Astronomie arabe. En parcourant les écrits de l’Évêque de Paris, nous voyons bouillonner la fermentation qh’engendre ce levain, au moment où il vient d’être mélangé à la vieille science des Chrétiens occidentaux.

Dans la raison de Guillaume d’Auvergne, toute pénétrée des enseignements du Christianisme, l’hérésie averroïste ne peut se développer ; si l’Évêque de Paris se laisse aller, en de rares circonstances, à lui faire quelques concessions, c’est par un illogisme inconscient ; constamment, il se montre l’adversaire résolu des dangereuses erreurs qu’il attribue à Aristote et à ses sectateurs arabes ; contre l’hérésie de l’unité de l’âme humaine, il veut qu’on emploie non seulement la raison, mais le glaive.

Mais si Guillaume est fermement défendu contre l’Averroïsme philosophique par sa connaissance de la doctrine chrétienne, sa science astronomique est autrement faible et chancelante ; aussi se laisse-t-il aisément séduire par la simplicité et l’harmonie des hypothèses sur lesquelles repose le système d’Al Bitrogi, sans être arrêté par l’insuffisance scientifique de ce système.

Il y a plus ; ce système le séduit par ses allures platoniciennes. Al Fârâbi, Avicenne, Al Gazâli, que Guillaume prend pour représentants autorisés de la pensée d’Aristote, imaginent autant d’intelligences et d’Âmes motrices qu’il y a de cieux à mouvoir. Il lui

1. Gullielmi Alverni De Uniuerso,S ?wiïis primæ pars I, cap. XLIV ; éd. vol. II, fol. CXVII, col. a ; éd. 1674» U L p- 649.

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