Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/272

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
265
L’ASTRONOMIE DES SÉCULIERS


questions sur la Physique ; entre le temps où Bacon a discuté ces questions-là et l’époque où il a examiné celles-ci, il s’est instruit en Astronomie, comme nous le verrons dans un moment.

Victor Cousin disait [1], au sujet de la seconde série de questions sur la Physique : « C’est vraisemblablement une autre rédaction, faite par quelque élève, du même enseignement ». Ce que nous venons de dire montre que cette supposition ne saurait être exacte ; en ces deux séries de questions, nous devons voir deux enseignements distincts, donnés au cours de deux années scolaires différentes.

La supposition de Victor Cousin est cependant juste en un point ; très certainement, les textes que conserve le manuscrit d’Amiens nous gardent la pensée, mais non la langue même de Roger Bacon ; ce sont rédactions d’élèves faites d’après un enseignement oral. Le style de Bacon abonde en formules imaginées, très caractéristiques, qu’on retrouve dans tous ses ouvrages et qui permettent aisément d’en reconnaître les fragments anonymes. Or, ces marques personnelles du verbe de Bacon, nous les chercherions en vain dans ces nombreuses questions. En revanche, nous y relèverions en grand nombre des solécismes grossiers et des barbarismes énormes, dont beaucoup ne peuvent être mis sur le compte du copiste, et qu’il est impossible d’attribuer à Bacon.

La rédaction est, le plus souvent, très concise ; elle emploie volontiers un style qu’on appellerait, aujourd’hui, télégraphique ; ce besoin d’économiser les mots, le désordre qui se remarque dans l’ordonnance de certaines questions, tout sent la note prise au cours, sous la dictée rapide du professeur, bien plus que l’œuvre achevée à loisir par le maître.

Nous croyons donc qu’on peut regarder le manuscrit d’Amiens comme un recueil de rédactions faites par des élèves, d’après renseignement de Bacon, alors que celui-ci, simple maître ès arts, commentait Aristote.

Mais en quelle université cet enseignement a-t-il été donné» ? Est-ce à Oxford ou à Paris ?

Il serait peut être imprudent de répondre à cette interrogation d’une manière entièrement générale ; mais il semble qu’on puisse y répondre sans aucune témérité au sujet de la seconde série des questions sur la Physique et déclarer que ces questions ont été dis-

  1. Victor Cousin, loc. cit., p. 463.