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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


cutées à Paris. En effet, en un certain endroit [1], Bacon imagine qu’il plonge sa main dans l’eau : « Ut si palma mea tangat Secanam ». Ce n’est pas la Seine, c’est la Tamise qu’il eût nommée à ses élèves s’il eût enseigné à Oxford.

Or en quel temps Roger Bacon, muni du titre de maître ès arts, a-t-il pu discuter la Physique et la Métaphysique d’Aristote devant les étudiants parisiens ?

« Écoutons à ce sujet, dit É. Charles [2], Roger lui-même. Il est à Paris avant 1248, il y est encore en 1250. Il y entend d’abord l’Évêque Guillaume dissertera deux reprises sur la nature de l’intellect agent, en présence de toute l’Université réunie [3]. Or Guillaume meurt en 1218. Il y connaît aussi un certain Maître Pierre. « C’est de lui que je tiens toutes mes connaissances », s’écrie-t-il, en 1267, « et il y a de cela vingt ans », ce qui nous reporte à l’année 1247 [4]. Enfin le statut du légat Pierre de Courçon, de 1215, arrête qu’on ne parviendra pas à la maîtrise avant trente-cinq ans, et huit années au moins d’études. Cette dernière condition ne fut pas appliquée à la rigueur, et on n’en peut conclure que Bacon ait dû rester huit ans en France. La première eût force de loi ; Saint Thomas seul s’en affranchit en 1256 ; mais on sait quels orageux débats il eut à affronter, et quelle résistance lui opposa l’Université. Or Bacon n’eut l’âge qu’en 1249 ; nous sommes donc certains qu’il ne rentra pas à Oxford en 1240. Du reste, en 1250, il est encore en France ; il l’atteste lui-même ; il vient de raconter lit révolte des Pastoureaux, de ces vagabonds fanatisés par un moine hardi qui, en 1250, troublèrent la France et firent trembler, dit-il, jusqu a la régente Blanche de Castille, pour la plus grande confusion du clergé et de l’Église. « J’ai vu leur chef, ajoute-t-il [5], » et j’ai remarqué qu’il portait dans sa main quelque talisman sacré

1. Magistri dicti Bacuun Quœstiones supra librum physicorum ; lib. IV, (prima quæstio de vacuo), Ms. cit, fol. 47, col. d.

2. É. Charles, Op. laud., pp. 10-11. — Cf. : A. G. Little, On Roger Racolés Life and Works (Roger Bacon, Essays…, Oxford, 1914. Introduction, pp. 4-5).

3. Rogeri Baconis Opus tertium, cap. XXIII (Eu. Rogeiu Bacon, Opera inedita, éd. Brewer, Londres, 1859, p. 74).

4. « Sed nullum vidi qui sciât illas æstus nisi virum a quo hæc didici transactis annis viginti » [Rogeri Baconis Opus minus (Rogeri, Bacon, Opéra inedita, éd. Brewer, p 359)]. En marge de ce passage, Émile Charles lit : Magistrum Petruni ; mais Brewer lit : Rob. Lincolniensem. Dans la préface de son édition fp. XXXVII), Brewer affirme « qu’on ne saurait trouver trace de Pierre de Manarn-curîa dans l’exemplaire mutilé de l’Opus minus » qu’il publje. On ne peut donc faire état de ce texte en faveur de la thèse soutenue par Émile Charles ; heureusement, les autres textes suffisent à mettre cette thèse hors de doute.

5. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, pars IV ; éd. Jebb, p. 254 ; éd. Bridges, vol. I, p. 401.

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