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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

Cette sorte de synthèse entre la théorie platonicienne de l’Âme du Monde et la théorie péripatéticienne des Intelligences célestes mérite encore de retenir notre attention par un autre caractère ; Robert l’Anglais pense, comme Ptolémée dans l’Almageste, comme les Néo-platoniciens hellènes, que chaque planète se meut librement entre les deux surfaces sphériques qui bornent son domaine. Au temps où il écrivait, l’influence des idées d’Aristote avait fait délaisser cette pensée par la plupart des grands philosophes, même par ceux qui ne se livraient pas sans résistance au courant péripatéticien ; Saint Bonaventure et Roger Bacon, aussi bien qu’Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin, pensaient que tout astre, fixement serti dans un orbe solide, ne pouvait qu’être entraîné par cet orbe.

L’hypothèse, si contraire à la Physique d’Aristote, que les astres solides plongent au sein d’un éther fluide, semble naturelle à Robert.

Il admet volontiers [1] que les diverses sphères célestes soient simplement contiguës, et non point continues, c’est-à-dire soudées les unes aux autres ; mais il ne lui semble pas nécessaire, comme il eût semblé à un péripatécien, de rejeter cette continuité. « Nous pourrions supposer, en effet, que les parties extrêmes de l’orbe demeurent seules immobiles, tandis que ce qui est au milieu de l’orbe serait en mouvement. Ainsi voyons-nous qu’fen un vasel, le milieu de l’eau se meut tandis que, sur les bords, l’eau demeure en repos. À plus forte raison cela semble-t-il possible au sein des orbes, qui sont beaucoup plus simples que l’eau. Dès lors, il n’est évidemment pas nécessaire que tous les orbes se meuvent parce que l’un d’eux se meut, et cela lors même qu’ils seraient continus ; de même, bien que l’eau soit continue, toute l’eau ne se meut pas nécessairement parce qu’une partie de l’eau se meut. »

Après avoir exposé ses raisons en faveur de la continuité des sphères célestes, Robert continue en ces termes [2] :

« Il est cependant une opinion selon laquelle les orbes sont seulement contigus. Et comme ces orbes, sauf le huitième, sont excentriques, il faut que l’intervalle entre deux orbes soit plus large d’un côté que de l’autre… La matière qui se trouve entre les orbes est susceptible de raréfaction et de condensation, en sorte que du mouvement de ces corps, il ne résulte aucun espace vide. »

1. Ro. Anolici Op. land., cap. I, glosai, ad primant quæstionem ; ms. cit., fol. 4 ? coll. c et d.

2. Ro. Anglicus, toc. cit., ms. cit., fol. fj, col. d.

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