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L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


rien trouvé qui justifiât cette attribution, bien au contraire. En revanche, nous avons vu Michel Scot prouver l’existence d’un dixième ciel immobile par la raison même que rapporte Vincent le Bourguignon ; les références de celui-ci, on le voit, sont parfois sujettes à caution.

Vincent examine plus loin[1] « s’il y a quelque espace entre les sphères des diverses planètes ». Selon Avenalpetras, ces sphères se touchent ; Averroès émet la même affirmation ; et, en effet, si les orbites des planètes étaient inégalement éloignées les unes des autres, il faudrait qu’il y eût entre elles le vide ou un corps fluide ; ces deux auteurs nient donc la possibilité des excentriques et des épicycles ; « tous deux expliquent les inégalités du cours des planètes par la diversité des pôles et des cercles sur lesquels s’effectuent leur révolution ».

« Mais certains disent qu’entre les sphères des planètes, il y a un corps fluide de même nature que ces sphères… » Les Mathématiciens, les Egyptiens, les Chaldéens et quelques Arabes peusent que les régions supérieures sont remplies d’une substance ignée ; il n’y a plus aucun inconvénient à supposer que ce fluide soit divisé par le mouvement des excentriques et des épicycles ». De fait, Vincent de Beauvais n’hésite pas à traiter[2] de la rétrogradation des planètes en fidèle disciple de Ptolémée. L’influence d’Albert le Grand est bien reconnaissable dans le passage que nous venons de citer ; elle l’est encore dans ceux que nous allons analyser.

Vincent de Beauvais énumère[3] quatre raisons qui sont, dit-il, d’Avenalpetras, et qui rendent nécessaires l’existence d’un neuvième ciel ; parmi ces raisons, il indique la suivante : « Il est des sphères qui reçoivent leur perfection par deux mouvements ; telles sont les huit sphères inférieures. Il faut donc qu’il y ait une sphère qui reçoive cette perfection par un seul mouvement ; elle sera moins noble que la sphère supérieure, mais plus noble que les huit sphères inférieures ». L’auteur du Miroir de la nature nous indique qu’il emprunte à Albert le Grand cet argument d’Al Bitrogi ; en fait, cette raison n’est nullement de l’Astronome arabe, mais elle joue un rôle essentiel dans les théories de l’Évêque de Batisbonne.

Il apparaît de là que Vincent le Bourguignon ne connaissait guère le système astronomique du disciple d’Ibn Tofaïl que par

  1. Vincent de Beauvais, Op. laud., lib, III, cap. CIV.
  2. Vincent de Beauvais, Op. laud., lib, XV, cap. XXVIII.
  3. Vincent de Beauvais, Op. laud., lib, III, cap. C.