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L’ASTRONOMIE DES DOMINICAINS


la Terre. « Nous voyons, en effet, les étoiles que nous nommons errantes se mouvoir inégalement dans leurs propres sphères, tantôt plus vite et tantôt plus lentement, tantôt dans le sens direct, en marchant vers l’Orient, et tantôt dans le sens rétrograde en marchant vers l’Occident ; nous les voyons tantôt s’approcher davantage du centre du Monde et tantôt s’en éloigner davantage ; nous en avons pour témoins certaines tables dont on se sert pour établir les équations des planètes et qui ont surtout pour objet de connaître les variations du diamètre apparent du Soleil et de la Lune. Tout cela serait impossible si les planètes se mouvaient seulement autour du centre du Monde. »

Or, «c’est précisément là ce qu’admettait le Commentateur Averroès[1] ; il supposait que toute étoile se mouvait, également et naturellement, seulement autour du centre du Monde ; il en tirait la raison de l’autorité du texte du Philosophe qui a été rapporté ci-dessus, et qu’il interprétait en son sens. » Selon ce texte, tout mouvement simple de l’un quelconque des corps simples de ce Monde procède vers le centre ou à partir du centre ou autour du centre. « Dans cette division à trois membres, Averroès prend, en chacun des membres, le mot centre avec la même signification, celle de centre du Monde, autour duquel tourne tout l’Univers ». De toutes les objections qu’Averroès a élevées contre l’Astronomie des excentriques et des épieycles, Thierry ne retient et ne discute que celle-là ; et, en effet, de toutes, elle est bien la plus essentielle, celle qui oppose au système de Ptolémée une raison tirée des principes profonds du Péripatétisme dont Averroès est vraiment, ici, le fidèle défenseur.

« Mais cette conclusion » d’Averroès, déclare Thierry[2], « ne saurait tenir ni en elle-même, ni dans ses fondements ».

Et, tout d’abord, cette conclusion ne saurait tenir en elle-même ; « la fausseté en peut être démontrée par les effets (per efficaciam) ». Pour édifier cette réfutation expérimentale de la fausseté de l’hypothèse homocentrique, Thierry renvoie aux divers passages de l’Almageste où Ptolémée établit l’excentricité des mouvements planétaires ; il invoque l’opinion des astronomes ; « il est impossible, non seulement à leur avis, mais encore absolument impossible de réduire ce qui apparaît en la diversité des mouvements des planètes, ainsi que leur rapprochement ou leur éloigne-

  1. Theodorici Op. laud., cap. XII : De ratione Averrois commentatoris que dictis est contraria, et de fundamentis sue rationis. Ms. cit., fol. 58, coll. c et d.
  2. Theodorici Op. laud., cap. XIII : Quomodo inducta ratio Averrois destruitur quoad suam conclusionem. Ms. cit., fol. 58, col. d.