Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/413

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


souffrirait d’être partagée comme le souffrent l’air et l’eau, en sorte qu’elle serait un corps susceptible de raréfaction et de condensation ; comme telle, elle serait corruptible ; or il est de la volonté de Dieu que les corps célestes ne se corrompent pas ; ils ne peuvent donc se raréfier ni se condenser.

» En outre cette condensation et cette raréfaction attesteraient que cette substance peut avoir plus ou moins de matière ; cela est rare, en effet, qui a plus de volume et moins de matière, et il en est au contraire pour le dense. Or cela ne saurait convenir à ce corps ; il ne saurait donc être susceptible de condensation ni de raréfaction.

» Par ces raisons, donc, et par d’autres que le Philosophe expose au livre Du Ciel et du Monde, il reste qu’un astre ne se meut point de mouvement propre, mais qu’il participe au mouvement de son orbe. »

Mais à ces raisons, l’auteur de la Somme en oppose d’autres qu’il semble regarder comme plus puissantes :

« Ces suppositions », dit-il, « supprimeraient les différents mouvements que les astronomes disent être au cours de la Lune, mouvements qui se font selon l’excentrique, selon l’épicycle et selon les divers cercles qu’ils allèguent ; les progressions, les rétrogradations et les autres variations qui s’observent en la marche des planètes disparaîtraient si ces astres n’avaient pas de mouvements propres.

» On dit que le ciel n’admet pas de division et qu’ainsi, une planète ne saurait se mouvoir dans les espaces célestes ; mais cette objection ne vaut pas, car cette planète se peut mouvoir comme elle se mouvrait au travers de l’air sans diviser cet air ; aucun accident ne pourrait survenir lorsqu’elle se déplacerait d’un lieu dans un autre au sein de l’air qui demeurerait immobile ; et la substance au sein de laquelle elle se trouve n’est pas autre chose qu’une substance corporelle ; on aura donc affaire au mouvement d’un corps au sein d’un autre corps qui demeure sans division, ces deux corps n’étant pas de même fluidité ; [les partisans de cette opinion] affirment donc que la planète, qui possède plus de luminosité, se meut à travers l’espace qu’occupe la substance céleste sans laisser de division dans cette substance. »

Cette opinion, qui parait ravir le suffrage de l’auteur, est exactement celle que Ptolémée professait dans VAhnageste.

Le Frère mineur auquel la Somme a emprunté ce passage n’ose pas, d’ailleurs, donner à ce débat une conclusion tranchante ; aux astronomes, et non aux théologiens, il appartient de le juger.