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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/417

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


dont Bonaventure se borne à marquer le principe, c’est F Astronomie ; il ne parait pas que le Docteur Séraphique ait consacré beaucoup de temps à la culture de cette science ; il semble qu’il n’en ait pas acquis la connaissance sérieuse qu’en avaient les docteurs dominicains, ses illustres contemporains, qu’en avaient Albert le Grand et Saint Thomas d’Aquin ; en particulier, la Théorie des planètes d’Alpétragius semble lui être demeurée inconnue.

De cette connaissance médiocre des théories astronomiques familières à ses contemporains, Bonaventure nous laisse le témoignage en son commentaire aux Livres des Sentences. Il y discute, en effet, cette question[1] : Existe-t-il, au delà du firmament qui porte les étoiles fixes, un neuvième orbe céleste dépourvu d’étoiles ?

À ce sujet il écrit :

« À la question posée, on doit faire cette réponse : Il est un orbe qui peut se mouvoir bien qu’il soit privé d’étoile ; c’est le ciel aqueux, qui est le premier mobile ; il se meut uniformément de l’Orient à l’Orient en passant par l’Occident ; par sa vertu sont entraînés le firmament et tous les orbes inférieurs, de telle sorte qu’ils accomplissent une révolution d’Orient en Orient dans un jour naturel, c’est-à-dire dans une durée de vingt-quatre heures ; ce ciel, cependant, n’est point perceptible à nos sens. Certains philosophes ont pensé que le firmament était le premier mobile ; mais certains autres philosophes ont reconnu que le firmament lui-même était animé d’un mouvement propre et qu’il avançait d’un degré en cent ans. Que cette dernière proposition soit vraie ou fausse, il faut retenir cette conclusion : Les docteurs en Théologie admettent communément qu’il existe, au delà du firmament, un ciel mobile privé d’étoiles. »

Bonaventure ne semble pas s’être soucié de ce qu’on a pu dire, au sujet de la précession des équinoxes, depuis le temps de Ptolémée ; de ce mouvement même, tel que l’Almageste le faisait connaître, il ne paraît pas fort assuré ; il n’ose en citer l’existence comme une preuve péremptoire de l’existence du neuvième ciel. Robert Grosse-Teste, cependant, donnait, de ce phénomène et des théories qu’il a provoquées, une connaissance autrement profonde et détaillée à ceux des Frères mineurs qui furent ses disciples ; nous en serons convaincus par lit lecture des écrits de Roger Bacon, confrère et presque contemporain de Saint Bonaventure.

  1. Celebratissimi Patris Domini Bonaventuræ Dogtoris Seraphici In secundum librum Sententiarum disputata ; dist XIV, pars II, quæst. III : Utrum cnnveniat alicui orbi moveri absque stellis.