Ces considérations, empruntées à la Géographie de Ptolémée, fournissent à Robert de Lincoln une objection[1] contre le mouvement de précession des équinoxes tel qu’il est défini dans l’Almageste :
« Selon cette méthode de Ptolémée, il arriverait que Vaux (apogée) du Soleil, qui est actuellement dans les signes septentrionaux du Zodiaque, finirait par atteindre les signes méridionaux ; alors, la région actuellement habitée deviendrait inhabitable. »
Aussitôt après cette remarque, que Bernard de Trille reproduira[2], Robert de Lincoln expose le système de Thâbit ben Kourrah ; il semble, bien qu’il n’en dise rien, qu’il préfère ce système à celui de Ptolémée, parce qu’il écarte cette prophétie menaçante pour les régions actuellement habitées. Cette pensée demeure implicite en l écrit de Robert Grosse-Teste ; nous allons la voir explicitée par son disciple Roger Bacon.
Avec Avicenne, Roger Bacon veut[3] que la zone comprise entre les tropiques jouisse d’un climat tempéré ; « mais, ajoute-t-il, je ne comprends pas, jusqu’ici, que cette zone soit très tempérée ; aussi n’est-il pas assuré que le Paradis se trouve en cette région. En effet, si l’excentricité du cercle du Soleil est disposée comme le disent les mathématiciens, il est impossible qu’il se trouve au-dessous de l’équateur un climat purement tempéré ; car le point de l’excentrique qu’on nomme l’opposé de l’aux s’approche de la Terre, plus que l’aux ne s’en approche, d’une quantité égale au cinquième du rayon de l’excentrique ; lors donc que le Soleil vient à l’opposé de l’aux, il brûle la région de la Terre qui se trouve au-dessous de lui, de telle sorte que rien n’y puisse vivre ».
En revanche[4], cette ardeur du Soleil dans l’hémisphère austral doit y déterminer une plus grande rareté des mers qu’en l’hémisphère boréal ; il est vrai que la grande extension de la terre ferme en l’hémisphère austral demeurerait justifiée lors même qu’on n’attribuerait pas d’excentrique au Soleil, car Averroès nous enseigne, au premier livre Du Ciel et du Monde, qu’il se trouve, en cet hémisphère, de plus nobles étoiles ; l’influence de ces étoiles suffirait à maintenir les continents.
- ↑ Roberti Linconiensis, Op. laud., cap. V.
- ↑ Vide supra, pp. 379-380.
- ↑ Rogeri Bacon Opus majus, Pars quarta hujus persuasionis, distinctio quarla, cap. IV ; éd. Jebb, p. 83 ; éd. Bridges, vol. I, pp. 136-137. — Cf. Opus tertium. cap. XXXVII ; édit. Brewer, pp. 119-120.
- ↑ Rogeri Bacon Opus majus, édit, Jebb, p. 185 ; éd. Bridges, vol. I, p. 294.