Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
36
L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


curiosité déjà éveillée des peuples nouvellement venus à la civilisation, leur désir ardent de connaître et d’expliquer les phénomènes naturels ; nous devinons les premiers essais d une intelligence qui, de siècle en siècle, va prendre plus d’ampleur et plus de force. La puérilité qui se marque en la Physique de Jean Dainascène n’est plus celle de la jeunesse encore ignorante ; elle est celle de la vieillesse qui a oublié ; la pensée hellène meurt.

Si aride que soit ce résumé de science que Jean Damascène a composé, il n’est pas toujours aisé de préciser quelle doctrine y est contenue ; les obscurités, en effet, y abondent et les contradictions n’y sont point rares. Essayons, cependant, de dire clairement ce que Fauteur pensait des choses de l’Astronomie.

Parmi les cieux, il affirme l’existence d’un firmament [1], d’un ciel solide (στερέωμα) ; il l’identifie à la sphère sans astre que les savants étrangers au Christianisme, ceux qu’il nomme les sages du dehors (οἱ ἔξω σοφοί) placent au-dessus de la sphère étoilée pour expliquer le mouvement diurne ; en cela, ils font leurs, déclare notre auteur, les enseignements de Moïse ; il est, ici, l’écho de Jean Philopon.

Au-dessus du firmament, il y a des eaux ; qu’il se rencontre des difficultés à concilier l’existence de ces eaux célestes avec les principes de la Physique admise en son temps, que les Pères de l’Église se soient préoccupés de ces difficultés, Jean Damascène ne parait pas en avoir cure.

Au-dessus des eaux, place-t-il encore un autre ciel ? Certains de ses propos pourraient le faire croire ; ils sont trop vagues pour qu’on les puisse interpréter en ce sens avec quelque certitude.

Le firmament tourne d’Orient en Occident en un jour. Quel est le mouvement propre du ciel étoilé ? Notre auteur n’en parle pas. Il nous dit seulement que le mouvement du firmament entraîne les cieux des sept astres errants, en même temps que chacun de ces astres tourne, d’Occident en Orient, d’un mouvement plus lent ; chacun des sept astres errants se trouve, d’ailleurs, dans un orbe spécial du ciel.

Ces orbes sont formés d’une substance très subtile « analogue à la fumée ». Cette substance, d’ailleurs, n’est pas immuable et inaltérable ; de même que les cieux ont été engendrés, de même ils vieilliront, sans être cependant détruits. Dans la concavité des cieux, plaçons maintenant les quatre élé-

1. Sancti Joannis Damasceni De fide orthodoxa lib. Il, capp. VI, VII et IX ; (Patrologiœ grœcœ, accurante J.-P. Migne, tomus XC1V, coll. 870-880, 883-884 et 901-902).

  1. 1