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L’INITIATION DES BARBARES


ments, et nous connaîtrons toute la très pauvre Cosmographie de Saint Jean de Damas, plus pauvre, assurément, que celle dont Isidore de Séville instruisait les Visigoths.

La Chrétienté latine n’a connu que fort tard l’Exposition de la foi orthodoxe. Le texte grec fut traduit pour la première fois, au temps du pape Eugène III (1145-1153) par un certain Burgundion, pisan et préfet de Frédéric Barberousse. Mais le traité de Jean de Damas fut aussitôt reçu comme un écrit de grande autorité ; c’est ainsi que nous le trouvons cité[1] au livre des Sentences de Pierre Lombard ; or, évêque de Paris de 1159 jusqu’à sa mort, survenue en 1164, Pierre Lombard dut rédiger ses Sentences fort peu d’années après que Burgundion eût mis en latin Ἔξδοσις τῆς ὀρθοδόξου πίστεως. Le Maître des Sentences parle même[2] de Saint Jean Damascène d’une façon qui marque en quelle estime il le tenait : « C’est pourquoi Jean Damascène, le plus grand parmi les Docteurs grecs, dit au livre qu’il a composé sur la Trinité, livre que le pape Eugène III a fait traduire… ». Josse Clichtove, dans la préface qu’il a mise, en 1512, avant la traduction du traité De fide orthodoxa faite par Lefèvre d’Étaples, va jusqu’à émettre l’hypothèse que Pierre Lombard avait eu, en composant ses Sentences, l’intention d’imiter l’ouvrage de Jean Damascène.

Le Maître des Sentences, lorsqu’il a eu à parler de Physique, n’a rien emprunté, nous le verrons, aux très pauvres renseignements que Saint Jean de Damas lui apportait au sujet de cette science ; mais au xiiie siècle, ces renseignements ont été maintes fois invoqués dans la Summa d’Alexandre de Halès, au De proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais, au Speculum naturale de Vincent de Beauvais.


V
HUGUES DE SAINT VICTOR, PIERRE ABAILARD ET PIERRE LOMBARD

Né vers 1100, Pierre Lombard fut, en 1159, élevé au siège épiscopal de Paris ; il mourut en 1164. Il est l’auteur d’une courte somme de Théologie divisée en quatre livres ; cette somme est destinée à lutter contre l’admiration excessive des philosophes profanes et contre la confiance exagée au sens personnel qui, au

  1. Petri Lombardi Episcopi Parisiensis Sententiarum libri IV ; lib. I, distt. XIX, XXVI, XXVII, XXXIII, etc.
  2. Petri Lombardi Op. laud., lib. I, dist. XIX.