Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/470

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
463
L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS

Un peu plus loin, notre auteur écrit[1] :

« À d’autres, il a semblé qu’Aristote n’avait pas voulu prouver d’une manière absolue l’éternité du monde, bien que Rabbi Moïse et Averroès lui imposent cette intention. »

Ce fut, on le sait, un des soucis constants de Roger Bacon, de défendre Aristote contre l’accusation d’avoir affirmé l’éternité du Monde ; il a été, semble-t-il, dans la Chrétienté latine, seul à tenter cette paradoxale réhabilitation, encore qu’au contraire de ce que dit la Somme, il en ait emprunté l’idée à Moïse Maïmonide.

L’auteur de la Somme n’est pas assez aveugle pour admettre la thèse singulière de Bacon ; mais il ne va pas non plus jusqu’à la rejeter d’une manière formelle : « 11 semble aux savants, dit-il, qu’Aristote s’est trompé, ou bien qu’Averroès et Alfarabi, tout de même qu’Avicenne, Avempace et Rabbi Moïse, lui ont imposé une opinion fausse. »

Ne semble-t-il pas que nous voyions ici l’auteur de la Somme, tout en se rangeant à la commune manière de voir, dont il reconnaît la vérité, accorder comme une marque de déférence à celle de Bacon, que nul n’admet ? Et cette attitude ne trahit-elle pas le disciple respectueux du grand Franciscain ?

Maintes fois, au cours de cet ouvrage, nous aurons occasion de relever, dans la Somme attribuée à Robert Grosse-Teste, la trace de l’influence exercée par Roger Bacon ; par là, nous reconnaîtrons de mieux eu mieux qu’un disciple de celui-ci a été l’auteur de cet ouvrage.

La Somme de Philosophie consacre de nombreux chapitres aux questions astronomiques ; mais, dans ces chapitres, on remarque beaucoup de désordre et de confusion. Assurément l’auteur n’a pas, de ces matières, la connaissance exacte et méditée que possédait un Robert Grosse-Teste ou un Bacon.

Des ignorances et des obscurités qui hantent son esprit, veut-on quelque bref, mais saisissant exemple ?

Notre auteur, comme tous ses contemporains, regarde, nous le verrons, le mouvement diurne comme une rotation uniforme d’Orient en Occident, accomplie par la neuvième sphère ; la huitième sphère, qui est le firmament ou le ciel des étoiles fixes, éprouve, d’Occident en Orient, un lent mouvement uniforme découvert par Ptolémée. Nul n’ignore que la première rotation s’effectue autour des pôles du Monde et la seconde autour des pôles du Zodiaque. Or la Somme écrit[2] :

  1. Lincolniensis Summa, Cap. CXI ; éd. Baur, pp. 409-410.
  2. Lincolniensis Summa, Cap. CCXXV ; éd. Baur, p. 564.