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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/476

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


cise, de certaines particularités des mouvements solaires ou planétaires sert à justifier des conclusions telles que celles-ci :

« Pour sauver les apparences[1] dont la vue rend témoignage, les astronomes ont, avec grande raison et nécessité, admis l’excentricité des planètes et les divers cercles sur lesquels elles sont portées. De ces cercles, Ptolémée et son sectateur Al Fergani ont pris soin de traiter d’une manière assez achevée. »

« Ptolémée[2] et les autres mathématiciens modernes ont, pour sauver les apparences, admis l’épicycle, l’équant et le déférent. Mais ils n’ont pas déterminé d’une manière parfaite s’il en était en réalité comme il en est en apparence, ni quel était le mouvement véritable (motus per se) des planètes ou, plutôt, de leurs sphères »

La fin de ce passage fait déjà allusion au désaccord qui sépare les physiciens des mathématiciens. La Summa mentionne, à plusieurs reprises, ce désaccord.

« Averroès, dit-elle[3], nie avec véhémence l’existence des épicycles, tandis que les mathématiciens affirment de multiple façon qu’elle est nécessaire. »

« L’excentricité des planètes parait, en effet[4], violemment contraire à la Philosophie naturelle. »

L’impossibilité du vide exige que toutes les sphères célestes soient contiguës les unes aux autres, partant, qu’elles aient toutes pour centre le centre du Monde. « Il est donc absolument nécessaire que le centre du Monde leur soit commun à toutes, comme il l’est au firmament et à la sphère du feu, et que le mouvement de toutes ces sphères sur ce même centre soit également circulaire.

» D’autre part, les mathématiciens, par une étude très ancienne et très considérable, par une longue expérience, ont reconnu que le Soleil ne demeurait pas également en chacun des quadrants qu’il parcourt… Si donc tout mouvement céleste est absolument uniforme, comme tout le monde l’admet, ou bien il sera impossible qu’un astre errant demeure plus longtemps dans un des quadrants qu’il parcourt que dans un autre, ou bien il paraîtra tout à fait contradictoire que les astres errants aient pour centre communie centre du Monde, et qu’ils se meuvent sur ce centre.

» Ce serait chose vile de nier les expériences de ces grands

  1. Lincolniensis Summa, Cap. CCXXVIII ; éd. Baur, p. 569.
  2. Lincolniensis Summa, Cap. CCXXV ; éd. Baur, p. 565.
  3. Lincolniensis Summa, Cap. CCXXXII ; éd. Baur, p. 576.
  4. Lincolniensis Summa, Cap. CCXXVI ; éd. Baur, pp. 565-566.