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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


célestes pourraient être incommensurables entre elles ; dans ce cas, « alors mêmes que les mouvements dureraient indéfiniment, les astres ne reprendraient jamais leur position primitive.

» Mais il serait nécessaire de se livrer à une très grande discussion des mouvements qui conviennent aux déférents et aux épicycles, pour savoir si, parmi tous les mouvement célestes, il en est deux qui sont incommensurables entre eux.

» D’autre part, Thébith rejette le fondement de la théorie adoptée par Ptolémée. Il prouve que le ciel des étoiles fixes ne se meut pas de la sorte d’Occident en Orient, car l’étoile qui se trouvait, tout d’abord, à l’origine du Capricorne du neuvième ciel, finirait par se trouver à l’origine du Cancer de ce même ciel. Il suppose donc que le mouvement du huitième ciel ou ciel des étoiles fixes consiste à décrire certains petits cercles autour de la tête du Bélier et de la tête de la Balance du neuvième ciel ; ce mouvement est un mouvement oscillatoire ; en effet, tandis que la tête du Bélier mobile monte sur son petit cercle, inversement, la tête de la Balance mobile descend sur le sien ; les étoiles du huitième ciel se meuvent ainsi à la fois en latitude et en longitude. Si Ton prouvait que ce mouvement s’accomplit en un temps tel que les diverses orbites inférieures ne pussent, au bout de ce temps, revenir à leur position première, on aurait démontré la proposition que nous cherchons à établir. ».

Le passage que nous venons de citer est intéressant à divers égards.

On y trouve, en premier lieu, un argument attribué à Thâbit et qu’on oppose à la continuelle précession des équinoxes admise par Ptolémée ; cet argument semble un reflet de celui qu’avait imaginé Roger Bacon.

On y voit, en second lieu, que le système de Thâbit ben Kourrah est considéré par Duns Scot comme exclusif de celui de Ptolémée ; le Docteur Subtil ne parait pas. songer que ces deux systèmes puissent être simultanément admis, comme l’ont proposé Albert le Grand, d’une part, et, d’autre part, les traducteurs des Tables alphonsines il ne semble donc pas que l’usages de ces tables fût encore fort courant au moment où Duns Scot commentait les Sentences ; c’est une remarque dont nous trouverons confirmation au chapitre suivant.

Une autre partie[1] du commentaire de Duns Scot sur les Livres

  1. Johannis Duns Scoti Liber secundus super Sententias, distinctio XIV, quæst. II.