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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/510

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


le lieu du Soleil, selon son moyen mouvement, à l’heure du jour ou de la nuit que tu as considérée, pour ceux qui habitent soit Tolède, soit la ville pour laquelle ont été construites les tables dont tu fais usage.

» Sache, en effet, que les tables construites pour une certaine ville sont également bonnes, lorsqu’il s’agit de déterminer le moyen mouvement, pour une autre ville ayant même méridien que la première… S’il s’agit, au contraire, de déterminer le moyen mouvement pour une ville dont la longitude est orientale ou occidentale par rapport à la ville pour laquelle les tables ont été faites, sache que quinze degrés de longitude occidentale valent une heure à soustraire, et que quinze degrés de longitude orientale valent une heure à ajouter ; et comme quinze degrés font une heure, un degré fait toujours quatre minutes. Lors donc que tu sauras quel est le moyen mouvement du Soleil, un certain jour, à l’heure de midi, et à Tolède dont la longitude orientale, comptée des Colonnes d’Hercule posées à l’Occident (a Gadibus Herculis in Occidente positis), est 28° et demi, ce moyen mouvement sera le même à Londres, le même jour, non pas à midi, mais 16 minutes après midi ; en effet,la longitude de Londres, comptée des Colonnes d’Hercule (a Gadibus Herculis), est 32° et demi ; midi y a donc lieu plus tôt qu’à Tolède, de tout le temps exigé pour le lever de quatre degrés du cercle équatorial, et ce temps est 16 minutes ».

Bacon nous apprend[1] que nombre de géographes de son temps prenaient Cadix (Gades Herculis) pour origine des longitudes géographiques. Mais ce ne peut être Cadix que l’auteur des canons nomme Gades Herculis in Occidente positi ; Tolède n’est pas à 28° 30′, ni Londres à 32° 30′ à l’Orient de Cadix ; ces nombres s’écartent trop de la vérité pour qu’on puisse les attribuer à l’auteur des canons.

Mais ce que Roger Bacon, dans l’Opus majus, dit de l’origine des méridiens, nous peut expliquer le sens du passage que nous venons de lire. Bacon nous dit, en effet, que les différents géographes choisissaient diversement le méridien qui marque la frontière entre l’Orient et l’Occident. « Les uns le mènent par Cadix (Gades), les autres par le mont Atlas, d’autres encore par l’extrémité, prise sous l’équateur, de la terre ferme ». Il ajoute : « Lorsqu’on le prend sous l’équateur, on le prend avec plus d’exactitude ; il est ainsi déterminé d’une seule manière, et il l’est mieux ;

  1. Fratris Rogeri Bacon Opus majus, pars IV ; éd. Jebb, p. 188 ; éd. Bridges, vol. I, p. 299.