de la chambre noire, sans dommage pour la vue, pouvons-nous,
avec vraisemblance, l’attribuer à Roger Bacon ?
Des auteurs qui ont, avant Roger Bacon, écrit sur l’Optique, aucun n’a parlé de l’expérience de la chambre noire. On n’en trouve, en particulier, aucune mention dans les sept livres d’Optique d’Al Hazen (Ibn al Haitam)[1] qui ont fourni à Bacon presque tout ce qu’il connaît de la théorie de la lumière.
Il est parlé de l’expérience de la chambre noire dans le traité De multiplicatione specierum[2] que Bacon, par l’intermédiaire de Jean, envoya au pape Clément IV en même temps que l’Opus majus.
Bacon figure exactement la formation de l’image du Soleil sur un écran normal au rayon qui passe par le centre du Soleil et par le petit trou. La figure qu’il trace montre que l’image est renversée. Il remarque que le trou n’a pas besoin d’être circulaire ; qu’il peut avoir n’importe quelle figure arrondie ou anguleuse ; que l’image du Soleil n’en prendra pas moins la figure circulaire, mais à une distance d’autant plus grande que le trou sera, lui-même, plus grand ; enfin, il démontre que sur un écran placé à la même distance du trou que le Soleil, l’image de cet astre serait égale au disque solaire. Il y a là, on le voit, tout ce qu’il faut pour justifier le procédé d’observation des éclipses solaires proposé par nos canons.
Dans le traité de Bacon, cette théorie de la chambre noire est précédée et suivie de considérations auxquelles il nous faut arrêter un moment, car elles vont attirer vivement l’attention des lecteurs de ce traité.
Bacon partait de ce principe que la propagation d’une propriété (species) quelconque au sein d’un milieu se fait par ondes sphériques.
« La propagation est naturellement sphérique (multiplicatio est sphærica naturaliter} car l’agent produit son espèce de toutes parts, dans toutes les directions et suivant tous les diamètres… Il faut donc que l’agent soit un centre à partir duquel des lignes s’avancent [également] en toute direction ; mais de telles lignes sont les rayons d’une sphère et ne se peuvent terminer qu’à la surface d’une sphère. »
- ↑ Opticæ thesaurus. Alhazeni Arabis libri septem, nunc primum editi Ejusdem de Crepuscalis et Nubium ascensionibus. Item Vitellionis Thuringopoloni libri X. Omnes instaurati, figuris illustrati et aucti, adiectis etiam in Alhazenum commentariis a Federico Risnero. Basileæ, per Episcopîos, MDLXXII.
- ↑ Tractalus Magistri Rogeri Bacon de multiplicatione sperierum, pars II, cap. VIII (Fratris Rogeri Bacon Opus nutjas, éd. Jebb, pp. 409-410 ; éd. Bridges, vol. II, p. 493-494).