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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS

Cette pensée, que la lumière se propage par ondes sphériques, dans un ouvrage qu’à l’exemple de Robert Grosse-Teste, il prisait fort ; répétons en effet, ce qu’il avait trouvé dans les Questions naturelles de Sénèque[1], à titre d’explication du halo.

« Voici comment on en explique la formation : Qu’on jette une pierre dans un étang ; on voit l’eau s’écarter en formant des cercles multiples ; un premier cercle très étroit se produit, puis un plus large, puis d’autres plus grands encore, jusqu’à ce que l’impulsion finisse par s’évanouir à la surface plane des eaux qui n’ont pas été agitées. Concevons qu’il se passe dans l’air quelque chose d’analogue. Lorsqu’il est suffisamment condensé, il peut ressentir un ébranlement ; alors, s’il est frappé par la lumière du Soleil, de la Lune ou de quelque étoile, cette lumière l’oblige à s’écarter sous forme de cercles. En effet, l’eau, l’air, tout ce qui reçoit, du coup qui Fa frappé, une certaine forme, prend, par l’impulsion qu’il éprouve, la façon d’être de ce qui le frappe ; or toute lumière est ronde ; l’air, frappé par cette lumière, prendra donc, lui aussi, cette figure arrondie. »

Pour rendre plus vraisemblable cette propagation de la lumière sous forme d’ondes sphériques, Bacon développe quelques considérations sur l’excellence de la sphère : « La nature d’une chose, dit-il, fait ce qui convient le mieux au salut de cette chose ; elle lui donne donc la figure qui coopère le plus efficacement à ce salut. Mais le voisinage des parties entre elles au sein du tout contribue, au plus haut point, au salut du tout et de chacune des parties, car leur division et leur séparation répugne par dessus tout à ce salut. Toute nature, donc, qui prend figure en vertu de sa tendance propre doit, à moins qu’une cause finale ne s’y oppose, chercher celle où, au soin du tout, les parties ont entre elles le plus de voisinage ; or cette figure, c’est la figure sphérique ; en elle, plus qu’en toute autre, les diverses parties sont rapprochées les unes des autres ; elles ne s’y voient point repoussées sur les côtés ou dans des angles qui les écartent mutuellement. Voilà pourquoi la lumière prend la figure sphérique ; voilà aussi pourquoi les gouttes d’eau suspendues à la pointe des herbes prennent la figure sphérique. »

À cette opinion, Bacon prévoit deux objections. L’une est fournie par ce fait que la flamme s’élève en forme de pyramide ; mais la raison en est que cette figure est plus apte à l’ascension. L’autre

  1. Sénèque, Questions naturelles, livre I, ch. II.