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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/517

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

La proposition 39 senonce en ces termes[1] : « Omne lumen per foramina angularia incidens rotundatur. — Toute lumière qui a passé par un trou anguleux s’arrondit. » M. Vogl en donne cette traduction : « So oft das Sonnenlicht durch eine eckige Oeffnung fällt, nimmt die Projektion eine runde Gestalt an. — Toutes les fois que la lumière du Soleil tombe par un trou anguleux, la projection prend une forme ronde. » Cette traduction donne la plus fausse idée de la pensée de Witek. Celui-ci ne suppose aucunement que le corps lumineux soit le Soleil ; il ne fait aucune hypothèse sur ce corps ; il admet seulement que ce corps a des dimensions finies et ne se réduit pas à un simple point ; dans ce cas, remarque notre auteur, la figure lumineuse que dessineront, sur un écran, les rayons qui ont traversé le trou anguleux présentera des contours arrondis ; il explique cet effet par la construction bien connue de la pénombre. « Ainsi, dit-il, la lumière qui a passé par une telle fenêtre s’arrondit, ce qui n’arriverait pas si les rayons qui traversent la fenêtre provenaient seulement d’un point unique du corps lumineux. »

Pas un instant, notre auteur n’a supposé que le trou fût très petit ; pas un instant, il n’a considéré la figure du corps lumineux ; pas un instant il n’a fait entrevoir que la tache éclairée dessinât, sur l’écran, une image du corps lumineux ; il est clair qu’il n’a pas eu l’intention de décrire l’expérience de la chambre noire. Nous en aurons d’ailleurs l’assurance parfaite si nous lisons les propositions 40 et 41[2] qui appliquent à des cas particuliers les principes posés dans la proposition 39.

La proposition 40 est ainsi formulée :

« Si le rayon lumineux [issu du centre du corps lumineux] tombe perpendiculairement au centre d’un trou carré, la lumière, tombant à la surface d’un corps parallèle à la surface du trou, y dessine un carré légèrement arrondi (quadratum ad circularitem aliquam accedens) ».

La proposition 41 examine de même le cas où l’écran n’est plus parallèle à la fenêtre carrée.

Il est clair, par ce que nous venons de dire, que Witelo ou Witek n’a pas eu connaissance de l’expérience de la chambre noire. Cette connaissance, une lecture étrangement superficielle a pu seule conduire M. Vogl à la lui attribuer.

D’autres auteurs vont nous parler de cette expérience, mais ils

  1. Thesaurus Opticœ, p. 75.
  2. Thesaurus Opticœ, pp. 75-76.