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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/518

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L’ASTRONOMIE DES FRANCISCAINS


auront tous, d’une manière très manifeste, éprouvé l’influence de Roger Bacon.

Le premier auteur que nous aurons à citer, c’est ce physicien dont le nom ne nous est pas connu, et auquel nous devons le petit ouvrage analysé au § IX. Ses propos vont nous révéler l’embarras où se trouvaient plongés les lecteurs du traité De multiplicatione specierum.

Dans ce dernier traité, la description de l’expérience de la chambre noire venait à la suite de considérations sur la propagation de la lumière par ondes sphériques ; si elle était citée, c’était pour répondre à une objection soulevée contre la sphéricité de ces ondes ; le lecteur pouvait donc bien aisément se former cette opinion : Si la lumière qui a traversé un trou de figure polygonale donne cependant une tache éclairée de contour circulaire, c’est qu’à une certaine distance du trou, elle a repris la sphéricité qui lui est naturelle.

D’autres, que la lecture d’Alhazen et de Witelo avait accoutumés aux constructions de l’Optique géométrique, voulaient, pour l’explication du phénomène, s’en tenir à ces constructions, que Roger Bacon, d’ailleurs, avait correctement exécutées ; ils soutenaient donc que si la tache éclairée produite dans la chambre obscure est circulaire, c’est parce que la lumière émane du disque du Soleil, qui est circulaire ; à l’appui de leur opinion, ils citaient cette observation : Lorsqu’une éclipse entame la parfaite rotondité du disque solaire, l’image donnée par la chambre obscure est échancrée d’une manière semblable.

Le débat, on le voit, est un combat prématuré, une échauflourée d’avant-garde, qui met aux prises deux doctrines relatives à la propagation de la lumière, l’une au gré de laquelle la lumière se transmet par rayons rectilignes, l’autre au gré de laquelle elle se répand par ondes sphériques ; c’est seulement au commencement du xixe siècle que cette discussion, instruite par l’étude minutieuse des phénomènes de diffraction, et pourvue d’une Algèbre et d’une Mécanique suffisamment développées, pourra être reprise et menée avec fruit ; mais il n’est peut-être pas sans intérêt de montrer qu’elle s’était engagée dès la fin du xiiie siècle.

Le texte que nous allons étudier[1] va nous entretenir de cette intéressante querelle. Ce texte nous paraît offrir, pour l’histoire de l’Optique, un très vif intérêt ; aussi nous a-t-il semblé bon de le reproduire in extenso, à la suite de cette note, d’après la copie

  1. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 16089, fol. 184, col. b et c ; Bibliothèque municipale de Bordeaux, ms. no 419, fol. 2, col. a, b, c, d.