Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE


III
LA PHYSIQUE DE JEAN SCOT ÉRIGÈNE

Avant d’examiner ce que Jean Scot a gardé des enseignements astronomiques des anciens, arrêtons-nous un moment à ce qu’il a dit des éléments ; c’est un chapitre essentiel de sa Philosophie.

Au point de départ de la création, il faut, selon l’Érigène[1], placer l’Universalité de la créature ; Dieu est la cause de cette Universalité ; il lui donne l’être ; elle existe éternellement en lui ; il ne la précède pas dans le temps ; il lui est seulement antérieur par la raison, en tant qu’il la formée.

Cette Universalité, éternellement subsistante au sein du Verbe divin, c’est l’ensemble des raisons ou causes primordiales des choses[2] ; chacune de ces raisons des choses, Scot l’identifie à une I8éa platonicienne.

Au sein du Verbe divin, l’Universalité de la création est un individu unique et indivisible ; le Verbe divin est l’unité indivise de toutes choses, car il est, lui-même, toutes choses. En même temps qu’il est absolument simple, le Verbe est infiniment multiple, car il est répandu en toutes choses, et ces choses ne subsistent que parce qu’il est répandu en elles.

Ces raisons éternelles des choses dont l’ensemble forme l’Universalité de la création, « sont les causes de toutes les choses visibles et invisibles[3] ; il n’y a rien, dans tout l’ordre des choses naturelles, qui puisse être perçu par les sens, par la raison ou par l’intelligence, et qui ne procède de ces causes, qui ne subsiste par elles ».

Parmi elles sont des corps simples, invisibles, inaccessibles à toute perception ; des grandeurs et qualités de ces corps rationnels se forment, en premier lieu, les éléments que Scot nomme catholiques ou universels.

Ces éléments catholiques, à leur tour, s’uniront entre eux pour former tous les corps composés du monde sensible.

Les corps rationnels et éternels, causes primordiales des éléments universels, sont assurément de nature spirituelle[4]. Au contraire les corps mixtes, soumis à la génération et à la corrup-

  1. Joannis Scoti Erigenæ De divisione naturœ liber tertius, 8 [Joannis Scoti Opera accurante Migne (Patrologiœ latinœ, t. CXXII), col. 639].
  2. Scot Érigène, Op. laud., lib. III, 9 ; éd cit., col. 642.
  3. Scot Érigène, Op. laud., lib. III, 14 ; éd. cit., coll. 663-664.
  4. Scot Érigène, Op. laud., lib. III, 26 ; éd. cit., col. 695.