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LE SYSTÈME D’HÉRACLIDE AU MOYEN ÂGE

» Ainsi donc les corps célestes, éthérés, purs et spirituels qui résident dans les régions supérieures du Monde, sont constamment lumineux, mais ils sont exempts de toute chaleur, en sorte qu’ils sont froids et pâles.

» De même, la planète qui a reçu le nom de Saturne et qui est voisine des chœurs des astres fixes est dite froide et pâle. » Quant au corps du Soleil, il occupe la région médiane du Monde, car, disent les philosophes, il y a autant de distance de la Terre au Soleil que du Soleil aux étoiles fixes. Le Soleil possède donc une sorte de nature moyenne. Des natures inférieures, il reçoit un certain caractère massif ; des natures supérieures, il reçoit quelque chose de spirituel et de subtil qui le fait subsister. Il réunit en lui, pour ainsi dire, les qualités contraires des deux régions du Monde, de la région inférieure et de la région supérieure ; ces qualités opposées le maintiennent, en quelque sorte, comme l’objet qu’on pèse en une balance ; il ne peut quitter son lieu naturel, car la gravité de sa région inférieure l’empêche de monter, tandis que la légèreté de sa région supérieure lui interdit de descendre. C’est aussi pourquoi il parait être d’une couleur resplendissante, intermédiaire entre la nuance pâle et le rouge ; et, pour maintenir cette splendeur au degré convenable, il reçoit une part de la pâleur des étoides froides qui sont au-dessus de lui, une part de la rougeur des corps chauds qui se trouvent au-dessous.

» Quant aux planètes qui tournent autour du Soleil, elles prennent des couleurs différentes selon la qualité des régions qu’elles traversent ; je veux parler de Jupiter, de Mars, de Vénus et de Mercure qui, sans cesse, circulent autour du Soleil, comme l’enseigne Platon dans le Timée. Lorsque ces planètes sont au-dessus du Soleil, elles nous montrent des visages clairs ; elles nous les montrent rouges lorsqu’elles sont au-dessous.

» La pâleur des étoiles ne nous oblige donc aucunement à admettre que l’élément de l’eau se trouve au-dessus du Ciel ; cette pâleur nait simplement de l’absence de chaleur. »

Au Timée de Platon, il ne se trouve rien d’analogue à ce que Jean Scot prétend y trouver ; tous les astres errants y circulent autour de la Terre ; mais Chalcidius, dans son Commentaire sur le Timée, rapportait, nous l’avons vu, la théorie d’Héraclide du Pont, qui fait circuler Vénus autour du Soleil ; c’est assurément ce commentaire seul que Jean Scot lisait et qu’il prenait pour l’expression fidèle de la pensée de Platon.

Aux Noces de la Philologie et de Mercure, Martianus Capella