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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome III.djvu/89

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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE


vives-eaux et des mortes-eaux qu’il nomme, comme son prédécesseur, malinæ et ledones ; mais, tout aussitôt, il y joint des erreurs qui seraient bien surprenantes de la part d’un homme qui aurait passé sa vie sur les côtes de la Mer du Nord. Il professe qu’il se produit trois reflux en vingt-quatre heures, et il ajoute « dodrantem et semiunciam horæ durat », tandis qüe le Moine de Wearmouth, précisant le retard diurne de la marée, avait dit : « Quotidie bis adfluere et remeare, unius semper horæ dodrante et semiuncia transmissa videtur. » Il est clair que ce passage-là a été copié sur celui-ci, mais par un homme qui n’avait aucune idée des lois du flux et du reflux.

Bède avait affirmé que les marées suivent le mouvement de la Lune. L’auteur du De mundi constitutione liber met sous l’influence de la Lune non pas la marée diurne, mais un autre phénomène, purement imaginaire, par lequel la mer croîtrait pendant sept jours, et décroîtrait pendant les sept jours suivants. C’en eût été assez, à défaut d’arguments plus formels, pour prouver que le Livre de la constitution du monde céleste et terrestre n’a point été écrit par Bède, et que l’auteur de ce, livre s’est inspiré, sans le bien comprendre, du traité du prêtre de Wearmouth.

Bien qu’il ne nous soit connu que sous un nom d’emprunt, tout à fait invraisemblable, l’auteur de cet écrit ne nous en a pas moins laissé un document des plus intéressants pour l’histoire des doctrines astronomiques au Moyen Âge.

Le Pseudo-Bède a connaissance de la théorie selon laquelle le mouvement rétrograde des astres errants n’est qu’une apparence, la marche réelle de ces astres étant une marche directe d’Orient » en Occident, mais plus lente que celle des étoiles fixes. Il attribue cette théorie à Aristote et aux Péripatéticiens : « Ce que nous venons de dire, écrit-il est conforme à l’opinion de ceux qui font mouvoir le firmament d’Orient en Occident, tandis qu’ils font tourner les planètes d’Occident en Orient. C’est l’opinion qu’affirment les Platoniciens. Aristote, au contraire, et les Péripatéticiens prétendent que les planètes tournent dans le même sens que le firmament, mais que le firmament lès surpasse en vitesse, de telle sorte qu’elles semblent marcher en sens contraire. Selon cette opinion, plus une planète est distante de la Terre, plus elle tourne rapidement ; Saturne est la plus rapide des planètes ; il lutte de vitesse avec le firmament, à ce point qu’en deux ans et

1. Bède le Vénérable !, loc. cit., col. 8g5 : De saltu Lunæ. Cf. col. 8gi : De transitoriis.