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L’ASTRONOMIE PARISIENNE. — II. LES PHYSICIENS

lacune. Il est certain que notre théologien eut alors, avec Étienne Tempier, un grave démêlé ; il soutint avec obstination des doctrines qu’il dut rétracter plus tard. Le P. Mandonnet, qui s’est efforcé de projeter quelque lumière au sein de ces ténèbres, pense que Gilles était alors bachelier en exercice ; qu’il composa son opuscule De gradibus formarum, dont les thèses contrevenaient sinon aux condamnations portées par Tempier, du moins aux interdictions formulées, en même temps, à Oxford, par Robert Kilwardby ; l’Évêque de Paris aurait appliqué à Gilles, dans son diocèse, les pénalités que Kilwardby avait édictées pour le diocèse de Cantorbery, et notre bachelier aurait été contraint de quitter l’Université,

Sans doute faut-il rejeter au nombre des légendes sans fondement la tradition selon laquelle le roi de France Philippe III lui aurait confié l’éducation de son fils, qui devait être Philippc-le-Hel. C’est pour l’éducation de ce jeune prince que Gilles aurait composé son traité De regimine principum.

La disgrâce que Gilles avait encourue à Paris dura huit ou neuf ans. Le premier juin 1285, Honorius IV écrit à Ranulphe d’Homblières, successeur d’Étienne Tempier sur le siège de Paris[1]. Le pape « a appris que son cher fils Gilles de Rome, de l’ordre des Ermites de Saint Augustin, jadis, à Paris, alors qu’il vaquait à certaines études, avait soutenu de vive-voix et rédigé par écrit certaines doctrines ; ces doctrines, Étienne Tempier, de bonne mémoire, évêque de Paris, votre prédécesseur, après les avoir examinées lui-même, après les avoir fait examiner par celui qui était, en ce temps, chancelier de Paris et par d’autres maîtres de la Faculté de Théologie, jugea qu’elles devaient être rétractées ; Gilles ne les rétracta point du tout ; bien plutôt, il s’efforça de les soutenir par diverses raisons.

» Mais, récemment, frère Gilles de Rome s’est présenté devant le siège apostolique ; il s’est humblement déclaré prêt à rétracter, selon ce que déciderait notre volonté, tout ce qui mérite d’être rejeté dans ce qu’il avait dit et écrit. »

Touché de ces bonnes dispositions, mais estimant qu’il convenait de rétracter l’enseignement erroné au lieu même où il avait été donné, le pape ordonne à Ranulphe d’Homblières, « à notre cher fils Nicolas, chancelier de l’Université de Paris, et à tous les autres maîtres de la Faculté de Théologie demeurant à Paris, non

  1. Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. I, pièce no 522, p. 633.