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L’ASTRONOMIE LATINE AU MOYEN ÂGE

norum, la disposition des orbes solides du Soleil ou de ceux de la Lune, Bacon emploie ou artifice que nous n’avons rencontré, jusqu’ici, chez aucun autre astronome ; il considère successivement chacun des cercles qui doivent, sur le papier, figurer les contours de ces divers orbes, et il indique très exactement où l’on doit placer la pointe fixe du compas, quelle ouverture ou doit donner aux branches de ce compas, pour dessiner ce cercle ; il explique, en un mot, comment on s’y prendra pour tracer l’épure.

Or c’est exactement du même artifice qu’use l’auteur des Demonstrationes ; lui aussi, il énumère tous les mouvements que le compas devra exécuter pour dessiner sur le papier la figure des orbes de Mercure ; son style est parfaitement conforme à celui de Bacon ; si quelque scholiaste avait, au manuscrit de l’Opus tertium, supprimé la phrase[1] où Bacon déclare que les mouvements de Mercure ne se laissent pas représenter par les combinaisons imaginées pour les autres planètes, s’il avait, à cette phrase, substitué la théorie de Mercure donnée par l’auteur des Demonstrationes, aucun disparate ifeûl permis de découvrir la supercherie ; compléter, en ce point, ce que Bacon avait dit, tel est, semble-t-il, l’objet que cet auteur s’est proposé en rédigeant le chapitre qu’il consacre à Mercure.

Il semble bien que soit manifeste l’influence exercée par l’Opus terbium de Roger Bacon sur l’auteur des Conclusiones planetarum ; une influence semblable s’était révélée à nous, et d’une manière indubitable, lorsque nous étudiions le Tractatus super totam Astrologiam de Bernard de Verdun ; Jean de Sicile, dans son Expositio super canones Azarchelis, Guillaume de Saint-Cloud, au préambule du Kalendarium regiæ, semblaient également se souvenir de ce qu’ils avaient lu dans les écrits de Bacon. Tout concourt donc à prouver que les profondes méditations de Bacon sur les hypothèses astronomiques ont joué un rôle important dans la formation de l’École astronomique de Paris.


VI
JEAN BURIDAN

Par la bouche de Jean de Jandun, nous avons entendu l’opinion qu’un Averroïste convaincu professait au sujet des hypothèses

  1. Pierre Duhem, Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon ; Quaracchi, 1909 ; p. 132. — Fratris Rogeri Communium naturalium liber secundus, qui est de cælestibus, Cap. XV (Bibl. Mazarine, ms. no 3576, fol. 128, col. c ; éd. Steele, p. 439).